Merci de partager ici vos observations sur les zones d’ombre (ou taches aveugles).
Il me semble que le vocabulaire exact en français pour traduire « blind spot » est angle mort plutôt que zone d’ombre. C’est par définition quelque chose qu’on ne voit pas. C’est pourquoi un groupe est si important, car il fait office de miroir qui nous permet de voir nos angles morts. C’est quelque chose de soi qu’on ne voit pas et qu’on ne veut pas voir. Il serait associé au mécanisme du déni. Quand on pointe un angle mort, ça génère de la résistance. Peut-il y avoir de la résistance sans angle mort, je n’en suis pas sûr.
Je cherche des exemples concrets de mon vécu, et c’est dur d’en retrouver. Récemment, j’ai réalisé que je manquais d’humilité et que j’avais encore beaucoup de réflexes d’orgueil (jugement, comparaison, déni de certaines erreurs, volonté d’avoir raison). Ça ne m’a pas été pointé directement mais je l’ai reconnu au travers de témoignages et discussions sur ces sujets « humilité/vanité ». J’avais bien identifié le perfectionniste en moi et la difficulté à accepter les erreurs, mais pas cet angle mort de l’orgueil.
J’observe souvent des angles morts chez les autres. Après avoir essayé plusieurs fois de pointer un angle mort chez quelqu’un, j’ai réalisé que cela demandait souvent beaucoup d’énergie pour dépasser la résistance, et que c’était peu probable que ça aide la personne.
Un exemple concret : il y a quelque temps, j’ai expliqué à un élève de mon cours d’art martial que chaque fois que je lui faisais une suggestion, il me répondait en me disant qu’il savait déjà ce dont je lui parlais et qu’il ne pouvait pas faire ce que je suggérais à cause de telle ou telle raison. Je lui ai proposé d’écouter simplement et de considérer ce que je lui disais, sans réagir selon son habitude. Il m’a répondu qu’il savait déjà que c’était ce qu’il devait faire, et m’a donné les raisons pour lesquelles mon conseil ne lui correspondait pas. J’ai réalisé à ce moment-là que je devais accepter le fait que moi aussi j’avais des angles morts.
Les taches aveugles sont inconscientes, elles agissent comme un méga-tampon et s’activent pour défendre ou pour empêcher de ressentir une souffrance nécessaire, elles ont été mis en place de manière inconsciente et sont d’autant plus dures à détecter qu’elles paraissent naturelles. Face à une situation inconfortable, nous réagissons « naturellement » à travers ce mécanisme, et tant qu’il est inconscient, on ne peut pas le voir, d’où l’intérêt du travail en groupe pour avoir l’éclairage des autres. Lors de notre dernière réunion, une zone d’ombre a été mise à jour chez moi, un mécanisme qui m’empêche de ressentir des souffrances nécessaires. Depuis, j’ai l’impression que cette mise en conscience agit pour empêcher le mécanisme de se mettre en place, lorsque c’est nécessaire il y a comme un rappel.
Au départ, je suis restée dubitative devant cette proposition étant donné que par définition un angle mort est quelque chose qu’on ne voit pas, qu’on ne peut pas observer, du moins chez soi. Mais il est possible de le voir chez une autre personne et de l’observer. C’est difficile pour moi de dire précisément s’il s’agit d’un angle mort ou d’une résistance, c’est pourquoi ce sujet demande de la prudence. De la prudence car il agit de façon inconsciente et que le dévoiler à l’autre de but en blanc peut être difficilement vécu. Il me semble que cela demande une certaine expérience de la psychologie humaine pour traiter avec un angle mort.
D’après mon Error! Post not found for word:auto\-observation, et si j’ai compris ce que c’est, les zones d’ombre sont des mécanismes identitaires « cachés », dont nous ne sommes pas conscients, comme des mines dans un champ, et qui n’ont pas encore été déclenchées. Pour que ces mines soient actionnées, mon hypothèse est qu’il faut qu’un événement particulier survienne, ou avoir déjà « dégagé » le terrain.
Bien sûr les interactions en groupe (avec notre créateur d’opportunités préféré), peuvent amener ces événements particuliers, ces opportunités de découvrir ces mines cachées. Ceci provoque un effet de surprise, un choc, car on ne s’attendait pas du tout à découvrir ce mécanisme en soi. Amortir le choc le moins possible, voire pas du tout, permet la transformation issue de l’accueil de la souffrance utile liée à cette découverte. Sinon, la mine reste.
À propos du créateur d’opportunités : c’est la vie qui nous procure des opportunités. Je vois mon rôle comme étant de les « mettre en surbrillance » quand je les vois et/ou quand je sens la nécessité de le faire. Je fais ça souvent au 2ème ou 3ème degré ou indirectement.
Les taches aveugles peuvent rester aveugles toute une vie, s’il n’y a pas un engagement, un risque, de s’exposer devant le projecteur ; le projecteur étant pour nous le travail que nous activons en groupe, et que nous poursuivons constamment. Dans mon cas, j’ai l’impression qu’une tache aveugle se révèle par le « petit bout », dans le fonctionnel, à travers une remarque, ou un « flagrant délit » relevé par quelqu’un, et que je découvre ensuite l’étendue de cette tâche. Par exemple, je pense à la hiérarchie entre les choses, qui me semblait tellement naturelle, et qui, lorsqu’on me l’a pointée dans des « petites » choses, m’est apparue comme une énorme prétention qui imprégnait la plupart de mes pensées. Et c’est un choc, et les autres sont nécessaires pour cela.
Ce qui est curieux, c’est que ces zones d’ombre, ces angles morts, paraissent évidents pour les autres sauf pour soi-même. Pour moi il serait impossible de m’en rendre compte sans l’aide de l’instructeur et du groupe. Faire confiance à l’enseignant, à l’enseignement et au groupe est la première étape. Accepter de s’exposer, la deuxième, regarder dans le miroir ce qui m’est renvoyé, et accepter la souffrance qui va avec, encore et encore, est la troisième. Jusqu’à ce que l’angle devienne visible et détectable par soi-même.
Selon mon expérience, les zones d’ombre sont dévoilées par les autres (d’où l’intérêt du groupe) mais aussi par moi-même par le biais d’exercices. Je me rappelle très bien des exercices sur les métas modèles lors de ma 1ère année de formation PNL : « je ne fais jamais/je fais toujours » par exemple ; ils m’avaient fortement ébranlée et j’avais eu l’impression d’être mise à nu, d’être lisible par les autres et enfin par moi-même. Mes premières croyances tombaient. Me rendre perméable par l’observation de mes pensées, dires et actes sont tout autant une façon de mettre à jour les noirs, les gris et les flous de mes zones d’ombre.
Les zones d’ombre, les angles morts, le côté obscur de moi-même. Cela peut être des choses inconscientes que je ne peux pas voir, que je ne peux pas entendre ou que je n’ai pas pu encore laisser s’épanouir en moi. Les opportunités de la vie, les interactions, les épreuves, agissent comme un réverbère, un spot, qui met en lumière ce côté obscur, pour le révéler, pour le transcender, pour laisser s’épanouir la créativité divine grâce à l’écoute, la disponibilité, l’accueil.
Je ne sais pas s’il faut faire la distinction entre « zones d’ombre » et « angles morts », ou s’il s’agit de synonymes. En prenant le parti de les distinguer, dans le cas de zones d’ombre, il s’agirait de la mise en lumière, par soi-même, de mécanismes fonctionnant clandestinement. Tandis qu’un angle mort est impossible à mettre en lumière par soi-même. Un peu comme un point entre les omoplates, on aura beau se contorsionner dans tous les sens, on ne pourra jamais le voir. Le groupe fait office de miroir, l’acuité et/ou l’intuition de certain(e)s permet d’exhumer des mécanismes profonds. Ça reste souvent percutant pour celui ou celle chez qui on le met en lumière ! Ensuite, le simple fait d’avoir mis en lumière un angle mort contribue à dévitaliser le mécanisme. Il semble qu’il n’y ait rien d’autre à faire que garder en conscience l’existence de celui-ci. Sa force est de demeurer invisible. Poser la lumière de la conscience dessus et la maintenir le délite. Je suppose qu’un mécanisme situé dans un angle mort est comme un mur porteur de l’identité. D’où l’importance d’accepter de s’exposer et d’être totalement sincère dans ses réponses.
Je suis d’accord, les angles morts me paraissent différents des mécanismes inconscients (croyances, jugements, identifications) qu’une observation de soi peut révéler, et emmener à être conscients. Ils ont l’air d’agir à partir d’un niveau plus profond de la psyché. Les autres mécanismes se révèlent peu à peu avec la vigilance lorsqu’une opportunité se présente, il suffit de gratter un peu (la vie s’en charge), ils agissent à un niveau juste en dessous de la conscience, parfois à moitié conscient. L’angle mort lui est vraiment inconscient et invisible.
Il me semble que les zones d’ombre puisent leur origine dans la naissance de la croyance de base, et du sentiment d’impuissance ressenti dans la petite enfance, de la prise de conscience de la séparation et de la souffrance de la solitude renvoyée. Les taches aveugles correspondent à la construction de zones de défense de l’identité pour éviter une souffrance incontournable, insupportable, où l’émotionnel se conjugue à un manque de discernement, voire à une obstination sans réflexion, afin d’éviter la souffrance nécessaire. Zones bétonnées, emmurées depuis l’enfance, rendues invisibles par les mécanismes identitaires construits en remparts. Saisir les opportunités de s’exposer peut être l’occasion de mettre un éclairage pour les dévoiler, par les autres effectivement, ou par certains événements de la vie.
La mise en lumière d’une tache aveugle peut aussi avoir cet effet d’éclair de lucidité, quelque chose de foudroyant qui amène une profonde compréhension non mentale, du genre « eurêka ». Dernièrement j’ai effectivement vécu un choc, mais c’était très positif, sans que cela déclenche de souffrance. Ensuite, tout dépend de ce qui est mis en lumière et de la capacité à accueillir cela. Si c’est trop dangereux, je suppose que même en le pointant, cela va rester dans l’ombre, en soulevant simplement le déni. Ce qui n’est pas mûr, pas prêt à être accueilli, ne peut pas être vu. On ne peut pas forcer l’autre à voir.
N. a découvert en elle une tache aveugle qui était liée au désir d’extase/jouissance :
« Avoir mis le doigt dessus permet de tirer sur le fil et de remonter assez loin, c’est incroyablement ramifié, il y a là tellement d’attentes et d’exigences ! À se demander si tous les désirs ne sont pas issus de ce désir-là… »
Quelle lucidité ! En outre, sans être allé aussi loin dans l’exploration d’une tache aveugle, j’ai vraiment le sentiment que N. a raison en parlant des multiples ramifications ayant comme racine cette tache aveugle ! Je voulais juste rajouter que la souffrance peut intervenir, selon mon expérience, pendant le processus de mise à jour lorsque les « snipers » du groupe pointent la bonne direction mais qu’effectivement la réalisation, la compréhension/prise de conscience est un choc qui ébranle mais où il n’est plus vraiment question de souffrance.
Je suis d’accord avec ce que N. décrit, il s’agit d’entendre l’intention qui donne naissance aux mots, qui eux restent des mots que l’on entend soit avec ses résistances jusqu’au déni, soit dans l’écoute de ce qui touche le cœur (compréhension non mentale). Lorsqu’on évoque la souffrance utile, que je qualifierai (pour éviter toute confusion sur le mot souffrance) d’écoute silencieuse de la compréhension, il s’agit bien de détente dans l’acceptation de ce qui est, et laisser maturer sans intervention du mental cette réflexion au plus profond de soi, dépourvu de toute attente de résultat. Laisser mûrir pour aller dans le sens du plus juste de ce qui nous habite, avec la sincérité, l’humilité, l’innocence d’accueillir ce qui se révèle.
Quand j’ai lu le témoignage de N., j’ai pris conscience que je n’avais plus de grand désir, si ce n’est celui de rester dans cet enseignement accompagné par l’instructeur et par nous tous ; plus je fais le vide en moi et dans ma vie (les objets, laisser les pensées aller et venir, les relations sociales, ne plus procrastiner, essayer de rester dans la conscience corporelle et dans l’attention partagée…) et plus je me permets d’accueillir des compréhensions nouvelles. Et il devient clair en moi que tous les désirs venaient de : « je dois me sentir vibrer pour me sentir vivante » et que de nombreux gestes, actes, pensées dans ma vie venaient de là. Les zones d’ombre sont ainsi devenues lumière : les croyances erronées tombent, les satisfactions apparaissent temporaires donc illusoires. Aujourd’hui je me sens vivante, vibrante mais ce n’est plus alimenté par ces désirs. Je me sens vivante, vibrante dans l’énergie ressentie, la gratitude vis-à-vis de la vie, dans l’être sans paraître.
Quelle est la différence entre une illusion et un angle mort ? Serait-ce qu’avec une illusion on voit quelque chose qui n’est pas là et qu’avec un angle mort on ne voit pas ce qui est là ? Ou bien est-ce qu’une illusion, par son existence même, créée un angle mort ? Comment sont connectés les angles morts et les illusions ?
J’ai eu l’illusion que « les gens allaient comprendre ». J’étais conscient de cette idée ; je pensais que je devais modifier ma communication et être tenace, sincère, et qu’avec le temps l’autre choisirait une relation « gagnant-gagnant ». MAIS… après avoir passé beaucoup de temps à n’obtenir presque aucun résultat alors que j’étais sûr que ça fonctionnerait, j’ai admis qu’il devait y avoir un angle mort qui m’évitait de reconnaître la réalité : la plupart des gens ne sont ouverts qu’à une compréhension superficielle, et seulement si cela joue en leur faveur afin de manipuler l’autre.
Ce que tu décris est pour moi une illusion : trop d’attente dans la capacité des personnes à changer leur esprit, ou dans leur capacité à supporter la souffrance que les changements impliquent forcément. Concernant la question : « est-ce qu’une illusion, par son existence même, créée un angle mort ? » je sens l’opposé, c’est-à-dire qu’un angle mort peut créer une illusion avec l’objectif (inconscient) de ne pas ressentir la douleur associée d’avoir tort. Je peux soupçonner que c’est un angle mort en toi parce que pour reconnaître la réalité, tu as eu besoin d’un grand nombre de tentatives.
« Quelle est la différence entre une illusion et un angle mort ? » Pour moi, un angle mort est quelque chose à l’intérieur de moi : une croyance ou un mécanisme qui est enraciné quelque part dans ma croyance de base. Dans la façon dont l’expose C., l’illusion est une projection. Une métaphore serait que l’angle mort est une tache ou une distorsion sur ma lentille, tandis que l’illusion est le résultat de tout ce que je vois à travers cette lentille (sur les autres ou sur moi-même). Quand on réalise qu’on a une illusion sur soi-même ou sur les autres, je pense qu’il est important de regarder ce qu’il y a en dessous. Par exemple, croire que : « tous les êtres humains sont foncièrement bons et qu’ils peuvent s’améliorer s’ils sont correctement aidés » peut être une façon d’éviter la souffrance nécessaire à admettre que la vie peut être cruelle et injuste, et que nous sommes impuissants face à ça.