L’attention partagée, c’est quand on partage l’attention avec 50% sur la conscience corporelle, et 50% sur le visuel et l’auditif autour de soi. C’est la même attention qui se sépare donc, une partie plus vers l’intérieur et une partie vers l’extérieur. Et ceci se fait de façon globale, dé-focalisée. L’attention que l’on porte sur les mots, c’est l’attention sur le son des mots, pas sur le contenu.
Il faut s’efforcer de le faire tout le temps. Ce n’est pas difficile à faire, ce qui est difficile, c’est de le maintenir.
Est-ce que quelqu’un le fait déjà et peut témoigner ?
Pendant longtemps, j’ai cru que la conscience corporelle et les perceptions étaient séparées et je faisais des allers et retours entre les deux. Maintenant, j’ai compris que c’est une seule attention non focalisée, mais partagée.
C’est aussi un rappel de quelque chose de naturel.
C’est complètement naturel. C’est familier, pas artificiel. Et je ne peux pas dire que je fais quelque chose de spécial pour le faire. Je ne sais pas si ça augmente la vigilance, mais je peux dire que je suis beaucoup plus présente.
C’est même une promesse qu’on s’est faite à soi-même et qu’on a oubliée.
C’est à chacun de le découvrir en soi.
Est-ce que c’est la même chose qu’être branché externe ?
Être branché externe en fait partie.
Dans l’action, il y a des moments où je suis obligée de focaliser, c’est comme un zoom, mais avec l’attention partagée, il n’y a pas d’accroche. Cette concentration n’exclut pas le reste, parce que je suis dans la conscience corporelle.
Je pense que c’est le fait d’être dans l’attention partagée qui fait que je peux changer de rythme, adapter le rythme par rapport au besoin.
C’est plus difficile pour moi lorsque je suis dans des conversations privées ou dans l’action. Et comme pour la conscience corporelle, j’ai observé que certaines habitudes nuisent à l’attention partagée. Il faut vraiment se discipliner pour mettre de la distance. Ceci demande un effort, une extra-vigilance.
Oui, mais c’est une discipline temporaire qui permet de stopper, de ne plus déclencher les automatismes d’attachement ancrés dans ton système nerveux. Ça joue beaucoup sur la capacité d’adaptation par rapport au contexte, sur le rythme entre autres. Ce qui s’installe alors, c’est l’harmonie tandis qu’avant, il y avait disharmonie.
C’est pareil pour la parole. Il y a une autre tonalité, un autre rythme.
Et aussi, ça tient compte des autres, de ce qui se passe autour. C’est une prise en considération de tout ce qui est là.
L’attention partagée, pour moi, c’est 50-50 quand on est au repos, mais dans l’action, je vois plutôt l’attention se partager en trois avec un pourcentage qui varie entre les trois : l’attention sur le corps, l’attention sur l’environnement extérieur à 360°, et l’attention sur la tâche en cours, qui est la partie la plus importante. Le pourcentage d’attention accordée à chacun des trois varie en fonction de la complexité de la tâche et du contexte. C’est assez familier et au bout d’un moment, ça s’intègre avec la conscience corporelle. Il n’y a pas besoin d’y penser, sauf quand on se rend compte qu’on l’a perdu.
Je suis d’accord. Par exemple, on entend un chant d’oiseau en arrière-plan. Simplement, la force change en fonction du fait qu’on donne plus d’attention à autre chose ou pas.
L’attention partagée est indissociable de la conscience corporelle. Il est vraiment important de comprendre que ce n’est pas juste l’écoute à 360°. L’autre partie n’est pas sur les sensations seulement, mais sur la conscience corporelle. C’est comme si je n’existais pas, que j’étais transparent, et alors, le monde sort de la conscience corporelle et apparaît avec tout (visuel, auditif, sensations). Et je le perds quand le « je » apparaît aussi, réagit et se sépare. Un critère que je n’y suis pas (dans l’attention partagée) est quand je n’ai pas vu ou entendu quelque chose. Ceci se produit surtout quand je suis identifié à mes pensées ou paroles. Mais, il me semble que même dans l’attention partagée, je ne peux pas tout capter. Peut-être que je n’entends pas le chant d’oiseau, et pourtant j’étais dans l’attention partagée.
Un point très important pour moi a été de ne plus mettre de hiérarchie. Tant que je croyais qu’il y avait des choses plus importantes que d’autres, c’était difficile. Mais quand tout devient également important, l’attention partagée devient plus facile.
L’autre élément qui me fait perdre l’attention partagée, c’est le fait d’éviter la souffrance nécessaire ou aussi, parfois, la peur d’être dérangée.
J’ai constaté que le lâcher prise par rapport au besoin de comprendre, me permet d’être dans l’attention partagée.
La mémoire est aussi différente ; ce qu’on entend et ce qu’on voit dans l’attention partagée, ça s’enregistre même sans en avoir conscience.
Un point étonnant est celui-ci : quand je suis dans l’attention partagée, ma réponse aux sollicitations dépend de la source. Si l’autre est dans l’intérêt personnel, je n’entends pas ou je réponds, par exemple, que je ne suis pas disponible. Sinon, ma réponse sera différente.
Je constate que je peux travailler sur une tâche intellectuelle et pourtant, je reste ouvert et dans l’attention partagée. Concernant la concentration, par exemple quand je regarde une étiquette pour la lire, j’ai l’impression qu’il y a 2 approches : l’une est de concentrer l’attention, zoomer en excluant le reste, et une autre que je ne sais pas expliquer, où je vois le détail sans perdre le global.
Des fois, dans l’attention partagée, l’écoute permet de détecter l’état (interne) de l’autre.
J’ai l’impression que la conscience corporelle et l’attention partagée sont plus difficiles avec la fatigue.
Non, l’attention partagée et la conscience corporelle sont sans relation avec l’état physique ou émotionnel, pas non plus lié à la douleur. Sinon, c’est que tu fais fausse route. L’attention partagée, c’est mettre ton attention sur quelque chose, cela ne demande aucun effort. C’est plutôt un rappel qu’un effort. Si tu fais un effort, c’est que tu fais en plus quelque chose d’inutile.
Si tu n’es plus dans la conscience corporelle, il n’y a pas de recette pour la retrouver, c’est par du essai-erreur. Et c’est en tous cas pas par l’effort et la tension. Et c’est dans le moment que ça se fait, tout de suite. Ici et maintenant.
L’expression de la valeur de base s’exprime aussi malgré la fatigue, simplement différemment.
D’ailleurs, il y a un phénomène paradoxal ; avec la conscience corporelle et la valeur de base, il y a une sorte de fatigue chronique. Mais avec un abandon, il n’y a pas de lutte. Et ça laisse une totale créativité de l’instant.
L’accueil de la fatigue est très similaire à l’accueil de la souffrance nécessaire. En plus, quand on est dans l’accueil de la fatigue, on est dans une bonne vulnérabilité et ça facilite l’accueil de la souffrance nécessaire. Accueille la fatigue comme une amie qui t’accompagnera toute ta vie.