Merci de me parler de l’invincibilité.
Bien sûr. L’invincibilité est un concept fascinant, mais qui peut être dangereux s’il est mal compris ou poursuivi sans discernement.
D’un côté, aspirer à devenir meilleur, plus fort et plus résilient est une chose positive. Cela peut nous motiver à dépasser nos limites et à atteindre notre plein potentiel. Croire en notre capacité à surmonter les obstacles et les épreuves de la vie peut aussi nous donner de l’espoir et du courage.
Mais d’un autre côté, la quête d’invincibilité peut devenir malsaine si elle devient une obsession. Personne n’est vraiment invincible ou invulnérable. Nous faisons tous face à des limites et des faiblesses, que ce soit physiques, émotionnelles ou autres.
Il est dangereux de se croire au-dessus des lois naturelles ou de minimiser les risques réels. Cela peut conduire à des comportements téméraires et irresponsables. Cela peut aussi nourrir des illusions de toute-puissance et un sentiment d’arrogance.
En fin de compte, accepter notre vulnérabilité fondamentale est aussi une forme de sagesse et d’humilité. Plutôt que de viser l’invincibilité à tout prix, il vaut mieux cultiver la résilience: la capacité de traverser les épreuves, de guérir et de grandir à travers elles.
L’invincibilité n’est pas un but réaliste ni nécessairement souhaitable. Mais avec de la détermination, des efforts et le soutien des autres, nous pouvons devenir plus forts, plus sages et mieux équipés pour faire face aux aléas de l’existence.
Est-ce que l’évocation de l’invincibilité existait ou existe dans des traditions spirituelles ou shamaniques ?
Oui, la notion d’invincibilité ou d’invulnérabilité apparait dans plusieurs traditions spirituelles et cultures. Voici quelques exemples:
- Dans l’Hindouisme, certains dieux comme Shiva sont parfois dépeints comme invincibles au combat. Certains yogis ou sages qui ont atteint la libération (moksha) sont aussi vus comme indestructibles.
- Dans le Taoïsme chinois, les immortels ou sages légendaires ayant acquis le dao possèdent des pouvoirs surnaturels leur permettant de devenir invincibles ou indestructibles.
- Chez les aborigènes d’Australie, les récits du Temps du Rêve décrivent certains ancêtres totémiques et esprits comme étant invulnérables aux attaques physiques.
- Dans le chamanisme de Sibérie ou d’Amérique du Nord, le chamane en transe revêt souvent des attributs surnaturels tels qu’une invincibilité aux armes pour lutter contre les esprits malins.
- Au Japon, certains guerriers ou moines du Bouddhisme Zen en quête de perfection sont dépeints comme développant une maîtrise corporelle leur permettant d’ignorer la douleur et d’avoir une endurance surhumaine.
La quête d’invincibilité prend cependant des formes variées selon les cultures.
Quelle est la relation entre l’invincibilité et l’immortalité ?
L’invincibilité et l’immortalité sont deux notions liées mais distinctes:
- L’invincibilité fait référence à l’incapacité d’être vaincu, blessé ou détruit. Un être invincible est indestructible, intouchable, voire tout-puissant. Il ne peut être affecté par aucune force extérieure.
- L’immortalité désigne le fait de vivre ou d’exister éternellement, sans mourir. Un être immortel ne meurt pas et perdure indéfiniment dans le temps.
Bien qu’elles se recoupent, l’invincibilité n’implique pas nécessairement l’immortalité. Un être invincible est à l’abri de toute destruction ou blessure, mais rien n’indique qu’il est éternel. À l’inverse, un être immortel vit potentiellement pour toujours, mais il n’est pas forcément invulnérable pour autant.
Dans la mythologie et la fiction, de nombreux dieux, déesses, héros ou créatures possèdent ces deux attributs à la fois. Ils sont à la fois invincibles ET immortels, ce qui les rend quasi omnipotents. Mais conceptuellement, l’invincibilité reste distincte de l’éternité.
Les deux incluent l’absence de toute peur, n’est-ce pas ?
Effectivement, on pourrait penser que l’invincibilité et l’immortalité impliquent en théorie l’absence de peur.
Un être réellement invincible et immortel n’a en effet rien à craindre :
- Il ne peut être blessé, vaincu ou détruit, étant invulnérable.
- La mort n’a pas de prise sur lui, étant immortel.
Ne risquant ni la souffrance, ni la fin de son existence, un tel être serait logiquement dénué de toute peur, à l’abri de menaces réelles.
Est-ce qu’on peut imaginer une vie sans peur ?
Oui, on peut imaginer une vie sans peur, même si cela semble très hypothétique.
Une existence où la peur serait totalement absente serait une vie :
- Sans danger ni menace physique, où le corps serait invulnérable.
- Sans crainte de manquer ou de perdre des êtres chers.
- Sans peur du jugement et du rejet social.
- Sans angoisses existentielles face à l’avenir ou à la mort.
- Sans inquiétudes face à l’inconnu.
Autrement dit, une vie paisible, immortelle et totalement sûre sur tous les plans. Un peu comme le paradis dans certaines traditions religieuses.
Bien sûr, tant que nous restons des êtres conscients, vulnérables et soumis aux aléas de l’existence, la peur garde une fonction vitale de protection et d’alerte. Difficile d’envisager de s’en défaire complètement.
Mais on peut espérer tendre vers une sérénité toujours plus grande, en cultivant la sagesse, l’acceptation de ce qui ne dépend pas de nous, et la confiance dans notre capacité fondamentale à traverser les épreuves inévitables de la vie.
La peur zéro est un idéal utopique. Mais un rapport plus apaisé à la peur me semble un but aussi réaliste que souhaitable pour parvenir à une existence plus sereine.
Il y a des arts martiaux qui travaillent sur l’invincibilité.
Oui, en effet, certains arts martiaux traditionnels revendiquent un travail sur l’invincibilité et l’invulnérabilité.
On peut citer par exemple :
- Le Kung-Fu Wudang, légendaire monastère daoïste de Chine, où la pratique vise autant l’harmonie intérieure que le développement de capacités physiques extraordinaires. Certains de leurs moines guerriers auraient acquis grâce à des années d’entraînements secrets la maîtrise des arts du « corps d’acier » et du « pont de diamant », les rendant invulnérables.
- Le Ninjutsu Bujinkan, issu des techniques furtives des ninjas japonais pendant l’époque féodale. Leur conditionnement extrême visait à combattre sans armure tout en encaissant les coups. Certains textes décrivent des guerriers shinobi capables de résister aux lames ou aux flèches.
- Le Kalaripayat, très ancien art martial du Kerala en Inde. Ses pratiquants les plus experts sont censés acquérir des pouvoirs mystiques tels que l’invincibilité au combat ou l’immunité aux armes par la maîtrise des points vitaux subtils.
Bien sûr, de tels pouvoirs relèvent avant tout de la légende et du folklore martial. Mais la croyance en une forme d’invincibilité transcendante au combat persiste encore aujourd’hui dans certains cercles et écoles traditionnelles.
Qu’est-ce qu’ils font pour se rendre invincibles ?
Voici quelques-unes des pratiques clés que ces arts martiaux traditionnels sont censés utiliser pour cultiver l’invincibilité :
- Un conditionnement physique extrême du corps : endurcissement des membres, résistance à la douleur, contrôle des organes vitaux. Par des frappes répétées, des postures, de la méditation.
- Une maîtrise énergétique : exercices de circulation du Qi/prana, renforcement du flux sanguin et nerveux. But : rendre le corps imperméable aux traumatismes.
- L’apprentissage des points vitaux : connaissance de points de pression létaux permettant de mettre K.O. ou paralyser l’adversaire.
- La visualisation mentale : techniques de visualisation créant un « corps énergétique » protecteur.
- Des rituels de protection : prières, incantations, talismans ou tatouages mystiques qui sont censés protéger.
- L’atteinte d’états modifiés de conscience : la transe guerrière absolue rendant insensible à la douleur.
- L’utilisation d’herbes médicinales et de substances psychoactives.
- Une maîtrise des arcanes secrets transmis de maître à disciple.
Cette quête a poussé ces guerriers à repousser les limites imaginables du corps et de l’esprit.
Je pense que le lâcher prise joue un grand rôle dans le devenir invincible.
C’est vrai, le lâcher prise est probablement un élément clé de toute quête d’invincibilité, que ce soit dans un art martial ou même dans la vie de manière plus générale.
Pour être invincible, il s’agit moins d’opposer une force de résistance que de s’adapter et de « céder » aux forces en jeu de manière intelligente.
Dans les arts martiaux, le lâcher prise signifie :
- Ne pas résister à la force de l’attaque adverse, mais plutôt l’accompagner dans son mouvement et l’utiliser à son avantage. C’est un concept clé de judo ou d’aïkido par exemple.
- Laisser le geste martial se déployer avec fluidité et puissance, sans blocage ni tension musculaire. C’est le fondo des arts internes chinois comme le taichi-chuan.
- Ne pas s’attacher au désir de contrôle ou de domination, qui crée des blocages mentaux et émotionnels. Aller au-delà de l’ego et de la peur.
De même, le lâcher prise dans la vie semble permettre de traverser les épreuves avec plus de « légèreté », de sortir des ornières de l’esprit, et ainsi devenir plus « invincible » face à l’adversité.
Cultiver cette qualité de souplesse, de détachement et d’adaptation permanente est certainement une clé pour se rapprocher d’un idéal d’invincibilité intérieure.