Note au lecteur : le bleu italique correspond à l'instructeur ; en noir, les autres intervenants.

Engagement

J’aimerais qu’on parle de l’engagement. Qu’est-ce que ça veut dire pour chacun ici d’être engagé ? Et comment ça s’est passé pour vous : est-ce que ça s’est passé progressivement, par décision, par intuition, est-ce que c’est une concrétisation de quelque chose ?
Pour A. par exemple, ce n’était pas prévu. Comme tu l’as dit dans ton témoignage : « Je suis venue pour faire plaisir à mon mari ».

Oui, c’est ça ! (rires) Et le premier week-end a été tellement décapant, un truc incroyable ! Moi je ne cherchais rien du tout, j’étais juste très malheureuse, c’est tout. Et là, j’avais trouvé ce que je ne cherchais pas ! (rires) Je dirais que ça a été le premier engagement. Avec beaucoup de peurs ! Une semaine avant les rencontres j’avais déjà la peur au ventre, ça a été récurrent pendant les deux ans ou trois ans de PNL en groupe. Ensuite, en ce qui concerne l’engagement ici, tu me l’as proposé et je t’ai dit tout de suite oui. Je me suis engagée sans savoir comment je pouvais tenir mon engagement, c’était très bizarre. Et au-delà de ça, je suis vraiment liée, mais liée consentante à continuer de venir ici. Je pense que je pourrais larguer mari, maison, enfants, plein de choses… Et en même temps, je n’ai pas l’impression de faire de sacrifices, c’est tellement « comme ça », et c’est tellement ok comme ça !

Que ce soit avec Osho ou avec toi, ça s’est toujours fait par petits pas, doucement, en passant une peur, puis l’autre, puis la suivante. Il n’y avait pas la force de l’évidence. Et avec toi, je suis venu parce que je cherchais quelque chose, mais il n’y avait pas non plus l’évidence de quoi que ce soit, puis peu à peu ça s’est construit. Quand on a démarré dans ce lieu, c’était 50/50, et puis la confiance a penché vers 50,1 alors j’ai basculé, et ça a continué à se construire. Ensuite, j’ai pris des responsabilités et le doute a lâché de plus en plus. Et aujourd’hui, est-ce que j’ai zéro doute ? En tout cas il y a une espèce de force de l’évidence, oui.

Et zéro doute, oui ou non ?

Quand je suis dans la force de l’évidence, il n’y a pas de doute. Mais je pense que le mental est capable de douter encore et de ré-argumenter.

Ca sera toujours comme ça. Il faut basculer complètement dans la force de l’évidence.

Oui, c’est ça. Pour moi maintenant l’important est de fonctionner dans cette force de l’évidence, ce que j’essaie de faire à chaque instant ou chaque opportunité.

En ce qui me concerne, à l’époque une amie m’avait téléphoné en me disant : « Est-ce que tu veux l’éveil pour cent francs? » (rires) « Ah oui ! ». Donc il fallait acheter un bouquin « Le chant des sirènes », et ça me donnait le droit d’aller à un week-end de rencontre avec l’auteur du bouquin qui avait une méthode permettant de s’éveiller ! Évidemment j’ai donné mes cent balles, j’ai lu le bouquin en diagonale, et j’y suis allé. Quand j’ai rencontré W., ça m’a plu parce qu’il était tout à fait normal, il n’y avait pas de chichi autour de lui, ça c’était important pour moi. Puis il a dit que ce qui lui était « tombé dessus » était toujours présent mais qu’il ne pouvait pas savoir pour demain. J’ai beaucoup apprécié cette honnêteté.
Ensuite, il a proposé des exercices par rapport à la croyance de base, pour montrer comment il pratiquait. Ça faisait longtemps que je n’avais pas vu quelque chose d’aussi intéressant. Auparavant, j’avais essayé certaines pratiques qui ne menaient à rien, où c’était facile de se prendre la tête ou de sentir des choses extraordinaires, mais qui n’avaient en fait pas de sens.
Pour moi, l’engagement était clairement pris avant de rencontrer W., je savais qu’il y avait quelque chose derrière la vie que je vivais, sans savoir ce que c’était. J’avais lu que ça s’appelait l’éveil, mais je ne savais pas très bien de quoi on parlait. Je voyais qu’il y avait des indices, et j’avais reconnu dans certaines traditions des points communs : Bouddha, Jésus, et d’autres. Je ressentais cet engagement : « c’est là que je dois aller », et j’ai eu la chance de trouver un moyen d’avancer dans cette direction. Quand j’ai reconnu ça chez W. pour moi ça a été évident. Mais c’est clair que l’engagement profond, original, originel, il est vis-à-vis de moi-même, et seulement ensuite je me suis engagé dans un enseignement. Mais ça c’est aussi personnel, je n’ai jamais aimé grappiller des choses à gauche ou à droite, préférant ne suivre qu’une seule voie. Et plus tard, j’ai eu à réaffirmer mon engagement d’origine, qui n’était pas perdu, mais parfois j’ai eu besoin de le faire pour traverser certains moments difficiles.

Pour moi aussi l’engagement s’est pris tout d’abord avec moi-même, il y a longtemps. Ensuite l’engagement dans le groupe et avec W., c’est une concrétisation de cet engagement originel. Il y a d’abord eu une recherche spirituelle où des graines ont été semées et le centre magnétique s’est formé. Ensuite, j’ai décidé de tout laisser tomber, je me suis débarrassé de tous mes livres, en me disant que dorénavant j’allais mener une vie normale. Je me suis marié et nous avons eu une fille. Quelques années plus tard, j’ai à nouveau entendu un appel, le chant des sirènes, d’abord imperceptible, et de plus en plus fort. En cherchant sur internet les sujets qui m’intéressaient, c’est-à-dire Advaïta et non-dualité, je suis tombé par hasard sur le site de W., que j’ai lu en détail, ainsi que les livres qu’il conseillait, et finalement je l’ai contacté. Ensuite ici, dans l’enseignement avec W., il y a eu des périodes où j’ai eu besoin de me réengager, parce que dans le concret de l’expérience, lorsqu’il y a souffrance et conflit, parfois le doute se lève, le doute qui est une forme de défense de l’ego. Quand j’ai senti deux ou trois fois cela arriver, je me suis réengagé, en revenant à ce que j’avais vécu au départ, cette clarté initiale qui s’était imprimée fortement en moi.

Donc pour résumer ce que j’ai entendu jusqu’à maintenant, engagement vis-à-vis de soi-même et engagement de rester et de continuer ici, c’est au même niveau.

C’est au même niveau, oui.

Depuis petite, j’ai senti en moi un engagement contre le mensonge personnel. Donc je cherchais des outils, toute seule, pour travailler là-dessus, pour dénoncer le mensonge personnel. Je sentais aussi qu’il y avait autre chose, mais quoi ? Un ami m’a dit que la PNL était un outil intéressant. Quand j’ai rencontré W., j’ai su que c’était juste. Et là j’ai été profondément marquée : W. avait fait un dessin avec deux cercles symbolisant le fonctionnel et l’existentiel. Et ça m’a ramenée au fort pressentiment qu’il y avait autre chose derrière le fonctionnel. Je ne savais pas quoi, et je ne connaissais même pas le mot éveil. Mais ça m’a vraiment interpellée, cet inconnu, et là j’ai senti que ça correspondait à un engagement avec moi-même. Ensuite ça a suivi ce chemin-là, avec l’évidence que seule, ce n’était pas possible.

Comment ça s’est passé pour A.?

Le sujet m’intéressait déjà pendant l’adolescence. Pendant une période, j’ai été actif sur des groupes internet PNL, et un jour je suis tombé sur l’annonce d’un week-end de PNL en Allemagne, de la PNL existentielle. C’était clair que c’était ce que j’avais cherché pendant des années, alors je me suis inscrit. Jusqu’au dernier jour, nous ne savions pas s’il y aurait assez de participants pour que la formation ait lieu, mais pour moi il n’y avait aucun doute que ça se ferait. Finalement le nombre de personnes inscrites étant suffisant, la formation a débuté et j’ai suivi tout le cursus. Et là je suis tombé sur quelque chose… ou plus exactement c’est tombé sur moi ! On nous a proposé l’exercice de la ligne du temps. J’avais quelques doutes par rapport à cet exercice, parce que c’est présenté comme un outil pour reprogrammer son passé, et je considérais ça comme un peu dangereux (rires). Mais en faisant cet exercice, quand je me suis tourné vers le passé, j’ai eu la vision du fil rouge de ma vie et ça a confirmé que tout était en ordre, et que ça ne pouvait pas être autrement. J’ai vécu là quelque chose d’une dimension très profonde… mais je l’ai juste touché, un petit regard sur le fond de la rivière de ma vie.

Et est-ce que le niveau de ton engagement a changé depuis des années ?

Oui !

Dans quelle direction ?

Dans la direction de vivre ma valeur de base, de plus en plus.

Cent pour cent engagé.

Oui.

En ce qui me concerne, je dirais, a posteriori, que j’ai toujours été engagée, depuis que je suis née. J’ai eu cette chance extraordinaire d’avoir un père exceptionnel qui m’a montré ce que signifiait effectivement « être humain ». Bien qu’extérieurement son comportement était assez déroutant pour les gens et qu’il était très difficile à vivre. Je ne savais pas ce que je cherchais, mais j’ai toujours cherché. J’ai toujours su qu’il fallait que je me coltine à la question, pas de la spiritualité parce que je ne savais pas ce que c’était, mais à l’époque pour moi c’était la religion : mon père était croyant et ça m’interpellait. Mais il l’était d’une façon vraiment très discrète, et il n’a jamais fait de prosélytisme. C’était quelque chose de très intime, de très personnel. Je savais qu’un jour il faudrait que je m’y coltine, donc j’ai attendu avec confiance. En fait ça m’est tombé dessus par surprise et j’ai mis du temps à comprendre ce que c’était. Cela a commencé par Stephen Jourdain. En faisant des recherches pour retrouver une de ses vidéos, je retombais à chaque fois sur le site de W. que j’enregistrais dans les favoris, pour plus tard. En faisant un peu de ménage dans mes dossiers internet, je me suis rendu compte que ce site se trouvait dans tous les favoris ! Intriguée, j’ai commencé à le parcourir, et pour le contacter il fallait répondre à quatre questions. Tout d’abord, ça m’a semblé impossible de répondre à ces questions. Pourtant un soir, ça m’est venu, et j’ai envoyé les réponses. En les relisant plus tard, je ne comprenais pas qui avait écrit cela ! Puis W. a répondu, et je me suis sentie tout de suite amorcée, comme un poisson ! Je ne savais ni pourquoi, ni comment, mais j’étais amorcée. Ensuite l’engagement, ça a été tous les jours. Mais je ne peux pas vraiment dire qu’il y a eu un moment précis où je me suis engagée. J’ai l’impression d’avoir toujours été engagée.

Comment sais-tu que tu étais engagée ?

Parce que je me sentais guidée, en quelque sorte. Il y avait quelque chose en moi d’impérieux, c’est-à-dire que ça passait au-dessus de tout, alors que c’était juste un échange par internet. Et je sais intimement que, quoi qu’il arrive, je ferai ce travail jusqu’au bout.

Est-ce qu’il y a un ressenti de cet engagement ?

Je le sens, oui ! Ce n’est pas du tout au niveau du cœur. C’est vraiment dans les tripes.

Est-ce qu’on peut dire pour toi A. : « je suis engagée = je suis » ?

Oui ! « Je suis engagée = je suis », ça monte de suite au cœur.

Et ton engagement, L. ?

J’avais lu tous les livres d’Arnaud Desjardins, car une de mes amies était engagée avec lui, et ça m’a bien aidée au début du chemin. Par la suite je l’ai même rencontré. J’avais vu Stephen Jourdain en conférence, et il m’avait beaucoup plu, mais il n’enseignait pas, alors j’étais un peu désappointée. Et puis j’ai rencontré Luis Ansa, et aussi Amma mais leur rencontre ne m’a pas parlé au point de m’engager avec eux. Pourtant, je savais que je ne pourrais pas avancer toute seule et je cherchais quelqu’un. Par l’intermédiaire d’une de mes élèves, j’ai lu ton livre, et ça m’a tout de suite intéressée. Lors de la première rencontre, j’ai beaucoup apprécié ta simplicité : un gars en chaussons, le plus ordinaire possible. J’ai tout de suite eu confiance en toi, et c’est cette confiance qui m’a fait continuer.

Décris un peu plus comment tu sens l’engagement.

J’ai l’impression que c’est très physique, je sens quelque chose de très fort, comme un ancrage.

Est-ce que c’est aussi pour toi « je suis engagée = je suis »?

Je ne sais pas, je n’ai jamais su si « je suis », donc je ne peux pas dire ça. Mais quand je pense engagement, je retrouve ce centrage, que je ressens plus fortement au fil des années. Il y a eu un premier engagement ici, puis une mise au point avec un deuxième engagement, et je le réaffirme régulièrement.

C’est un fil rouge ?

Oui, il y a quelque chose qui est là depuis longtemps, et qui se renforce.

Pour aller vers ?

Vers ce que je suis.

Et toi S. ?

L’engagement, je le pressens en moi depuis que je suis môme. Au début, ça se traduisait par l’intérêt pour le fantastique et la science-fiction, avec toujours en arrière-plan le sentiment qu’il y a une autre réalité. Mais c’était flou. Ensuite, comme j’étais beaucoup dans le faire, j’ai commencé par faire des arts martiaux, et par ce biais, j’ai découvert le taoïsme. Puis j’ai pratiqué le chi gong et l’alchimie interne taoïste. Ensuite, par l’intermédiaire d’un copain, je suis tombé sur ton site et je me suis vraiment senti interpelé. Il fallait absolument que je t’écrive ! Et on a commencé une correspondance par email qui pour moi était d’une très grande importance. Et je te suppliais de m’enseigner en individuel, mais tu me répondais : « Non, il y a une dynamique de groupe. » Et moi je n’avais pas envie du groupe ! J’étais avec mon vieux schéma : l’élève taoïste qui va grimper la montagne retrouver son maître dans la grotte ! Ensuite j’ai lu ton bouquin et plusieurs passages ont fait des déclics, alors que d’autres restaient incompréhensibles. Je l’ai relu au moins trois ou quatre fois. Je prenais des notes, ça devenait de plus en plus clair. Ça devenait clair, mais en même temps tu parlais de quelque chose que je pressentais mais que je ne voyais pas. Je suis venu à la première rencontre, et j’ai posé beaucoup de questions par rapport à ton livre. J’avançais un peu en terre inconnue, parce que je n’avais jamais lu de bouquin de non-dualité. J’avais l’habitude de penser que c’était de la branlette intellectuelle, rien de concret, juste de la philosophie! Pourtant ce dont tu parlais, je ne le comprenais pas franchement, mais il y avait un fort pressentiment.

Et à quel moment as-tu senti que ton engagement originel s’est concrétisé ?

C’est au moment où j’annonce à ma femme, alors qu’on n’avait pas un sou et les enfants en bas-âge, que j’allais suivre la formation sur deux ans. Je savais qu’on n’avait pas le fric pour que je puisse suivre cette formation. J’ignorais comment faire, ça me paraissait impossible, mais je savais que ça allait se faire. J’ai eu une « chance » incroyable, car peu après je me suis fait renverser par une bagnole et j’ai passé six mois à l’hôpital, avec plusieurs fractures et un hématome cérébral. En sortant de là, juste à temps pour pouvoir suivre le premier stage, une copine m’indique un avocat. Je n’ai jamais été procédurier, je n’avais pas envie de faire appel à lui. Mais j’y suis tout de même allé, et cet avocat m’a obtenu bien plus que ce que m’avait proposé l’assurance. Grâce à ça, j’ai pu payer la formation ! Et à part de gros oublis, je n’ai pas eu de séquelles.

Et comment a évolué ton engagement ? Est-ce que t’engager pour la formation a renforcé ton engagement en toi-même ?

J’avais la certitude que c’était le chemin qu’il fallait que je suive. Par la suite j’ai découvert qu’il y avait beaucoup d’instructeurs dans ce milieu, mais ça ne m’intéressait pas. Pour moi c’était tout ou rien, et j’avais la certitude qu’avec toi c’était tout.

Donc ton engagement s’est renforcé petit à petit. Et ça a aussi confirmé que ton intuition était la bonne.

Oui. Pour moi, d’une certaine manière, c’était vraiment une question de vie ou de mort. C’était la chance de ma vie.

Oui, je l’ai senti aussi. Malgré toutes les contraintes familiales.

M., ton engagement ?

Je me suis toujours engagé vis-à-vis de moi-même, aussi loin que je me souvienne : cette recherche était en moi latente. Quand j’avais vingt ans, je me suis débattu pendant quelques années et j’ai affronté le problème à bras le corps. Et depuis que je suis ici, j’ai reconnu tous les gestes que je n’avais pas mis en paroles, mais que j’avais trouvés instinctivement et dont je me suis servi à cette époque. Cette sincérité avec moi-même était vraiment le cœur du travail, même dans le mensonge. Je savais que, quelque part, il y avait toujours une part de mensonge en moi, mais je travaillais sur moi. Et puis j’ai perdu ça. Je pense que j’avais mis la main sur un « état » vraiment libéré, où il me semble avoir peut-être trouvé la croyance de base : il y avait une évidence qui, rétrospectivement, expliquait tout ce que j’avais vécu jusqu’ici.

Selon ta vision d’aujourd’hui, à ce moment-là tu avais déjà rencontré ta croyance de base ?

Il me semble, oui.

À travers les circonstances ?

Oui, à travers les circonstances de la vie, en côtoyant la réalité, les autres, en allant au-devant de mes peurs dans la vie courante, en me confrontant aux situations. Ici, au début, je ne comprenais rien, je tâtonnais, ça a été très dur. Il a fallu conceptualiser tout ça, alors que jusqu’ici j’avais été en prise directe en expérimentant. Toutes ces notions, comme la considération interne, la considération externe, entre autres, avaient un arrière-goût de déjà connu. Lorsque j’ai perdu ça, je suis tombé vraiment au plus bas. Avant de vous rencontrer, j’étais en contact avec une personne qui parlait justement de cette question de souffrance, vraiment centrale pour moi : comment accueillir la souffrance nécessaire, se détendre dedans. J’ai correspondu avec cette personne pendant quelque temps, car à ce moment-là, la nécessité de trouver quelqu’un m’était apparue comme évidente. Seul, je n’y arriverais pas.

Tu n’aurais pas pu continuer avec cette personne ?

Non, cette porte s’est fermée assez rapidement. Mais j’avais un fort élan de chercher quelqu’un d’autre, avec la possibilité de discuter de ce que j’avais vécu, et ce sur quoi je voulais remettre la main. C’était pour moi une injonction impérative. Sinon la vie ne valait pas la peine d’être vécue dans ces conditions. En parcourant internet, j’ai fréquenté la non-dualité, et aussi le néo-advaïta, mais ça restait très conceptuel. Il y avait un fossé entre ces concepts et ma vie, et je ne savais plus comment faire. Le mensonge envers moi-même s’était renforcé, et je n’avais plus aucune clairvoyance par rapport à toutes ces choses que j’avais auparavant intégrées en m’observant, en prenant du recul. Tout ce travail personnel, je l’avais oublié, même si j’en gardais une conscience lointaine. Je l’ai bien senti quand j’ai basculé dans l’oubli, et je m’étais fait une injonction : « N’oublie jamais que tu n’es pas ce que tu crois être ». En naviguant sur le site de Stephan Jourdain, j’ai trouvé ton mail, et c’est comme ça que je suis arrivé ici. Au début, je ne comprenais pas tout, et parfois même rien, les outils utilisés ne me parlaient pas. Et puis au fur et à mesure, en testant sur moi, en le vivant, j’ai fait des liens, des connexions. La conscience corporelle, ça m’a beaucoup parlé. L’engagement, c’est aussi un dépouillement, je voulais me dépouiller et revenir à cette simplicité, à cette innocence que j’avais perdue.

Donc, depuis toujours tu étais engagé vis-à-vis de toi-même ?

Oui.

Est-ce que ton engagement a évolué ?

Mon engagement est toujours resté invariable.

Donc c’est aussi pour toi un sacré repère, non ?

Oui, c’est un repère, un fil rouge, c’est la base qui me porte, quoi qu’il arrive.

Il y a quelque chose d’inébranlable, c’est ça ? Quelque chose d’immuable, quelque chose d’éternel même, dans ton engagement ?

Ah, il y a un piège avec ça ! Je me méfie de celui qui cherche et de ses attentes liées à l’engagement.

Tu as parlé d’innocence, elle y est toujours ?

Je voudrais retrouver cette innocence-là.

Retrouver. Donc il y a une sorte de « longing » ?

Une attente ?

Non, il faut vraiment bien distinguer entre attendre quelque chose et le « longing ». To long for: vouloir quelque chose, aspirer à. Aspiration pour l’innocence. Et si tu lies ça avec l’engagement ?

C’est la même chose.

Voilà. Donc, il n’y a pas de mensonge, là ?

Non.

Donc, tu transformes l’attente en aspiration, il n’y a pas de faux dans l’aspiration. Dans l’attente, tu sentais peut-être le faux. L’élan est le même, mais il n’y a plus attente, il y a tout simplement « aspiration ». Et aspiration et engagement, c’est la même chose pour toi, c’est toujours lié ?

Oui.

Et est-ce que cette responsabilité, tu peux la prendre maintenant ? Tu te sens prêt ?

Oui.

Très bien, alors fais-le.

C’est très confortable, cette innocence, on la vit, on ressent ce qui se passe. C’est un cadeau, on le vit mais on ne donne rien.

Oui, il faut payer, maintenant. Tu as eu un cadeau, mais maintenant il faut le payer, c’est comme ça. De manière à assimiler encore plus ton engagement, le conscientiser encore plus, le valider complètement, activement, responsablement.

Moi, quand j’étais enfant j’ai reçu une transmission, une sorte d’initiation, par mon père, et une grand-mère qui aimait les fleurs, les plantes, les animaux. Ça m’a bien aidée, parce que je posais des questions, à l’âge de sept ans, quand j’étais au jardin ; je me sentais parfois un peu différente de mes copains et de mes copines. Mon père à plusieurs reprises, m’a dit très fortement : « Mais cette façon d’être, c’est toi ! », et ça m’est resté, sans savoir exactement ce que ça a fait dans ma tête d’enfant. J’avais la certitude que j’avais un chemin à vivre, qui était tracé. J’ai eu des périodes d’hôpital, des circonstances particulières, mais pour moi c’était une évidence qu’il fallait remercier, qu’il y avait des cadeaux, même si c’était parfois des épreuves. J’ai même écrit à Dieu, et dans cette lettre, je lui disais entre autres que ce n’était pas normal, que j’étais un petit enfant, et que je ne pouvais pas subir des épreuves comme les grands. Mais j’avais cette conscience que si je rencontrais des difficultés, j’avais aussi la capacité de les traverser. Un jour, un ami m’a laissé ton livre : « Le chant des sirènes », je ne l’ai pas lu, je l’ai mis de côté. Et puis, un soir, je l’ai ouvert, j’ai commencé à lire, et j’ai eu une compréhension à mon niveau, à travers le corps. Je n’ai pas tout lu, mais il m’est venu très clairement la nécessité de rencontrer celui qui avait écrit ça. Donc j’ai insisté auprès de mon ami pour te rencontrer, car je voulais savoir si l’auteur était « un vrai humain », c’était très important pour moi. Et là, ça a été instantané, j’ai tout de suite vu que tu renvoyais chaque personne à elle-même. Quand on a commencé à plaisanter, et que tu as éclaté de rire, j’ai pensé « c’est lui ! », pour moi c’était clair, tu étais un humain. Et je me suis engagée à suivre la formation.

Donc tu as baigné dans cet engagement depuis toujours, on peut dire depuis l’enfance. Ça n’a pas bougé, en quelque sorte.

C’était une boussole, oui, il y avait ce sens du sacré, je pense à l’initiation reçue de mes proches. Je savais aussi qu’il faudrait que je sois patiente.

C’est aussi l’aspiration, l’engagement-aspiration vers le divin.

Oui, pas le choix. C’est ma priorité de vie.

et N. ?

Depuis l’enfance, j’ai ressenti cet appel, cette aspiration, sans savoir exactement ce que c’était et c’est vraiment à partir de petite que je me suis engagée à suivre cet appel et à y répondre. J’ai fait beaucoup de lectures, j’ai l’impression d’avoir été en quelque sorte guidée, d’avoir suivi un fil rouge. Même dans les moments d’oubli, il y avait des rappels. Et arrivée ici, l’affirmation a été encore plus forte, quelque chose de plus radical s’est concrétisé, cela a pris une autre ampleur. Et à chaque fois que je viens ici, l’engagement se renouvelle, se renforce. Car ce n’est pas quelque chose qui est pris une fois pour toute.
Je dirais que cet appel, c’est comme la voie du cœur qui résonne à travers la vie. Mais aujourd’hui, quelque chose d’encore plus subtil se révèle à moi, qui est au cœur du cœur et qui m’est inconnu. C’est une décision absolue, un engagement absolu.

Et pour toi A-M ?

L’engagement, j’ai l’impression que je suis née avec, que cela faisait partie de mes proportions, de mes couleurs, sous la forme « aspiration ». Mon éducation religieuse lui a donné une nourriture dans l’enfance. C’est-à-dire qu’à travers ce que j’entendais dans les textes, je soupçonnais qu’il y avait un autre monde, qu’il y avait d’autres lois. Il y avait les lois de ce monde et il y avait d’autres lois. Et je me demandais toujours ce qui était vraiment vrai. Je me souviens d’avoir cherché le vraiment vrai. Il y a eu un moment où par rapport au dogme religieux, je ne savais plus si c’était vraiment vrai, et là l’engagement n’a plus été nourri. L’aspiration était toujours là, très forte, mais c’est comme si elle était devenue secrète. Mon champ d’expériences est passé par les relations amoureuses où j’ai longtemps été confrontée au paradoxe : liberté, engagement, amour et comment concilier les trois ? J’étais persuadée que l’engagement rendait libre, qu’apparemment c’était inconciliable mais pas dans la réalité. Pendant des années, j’ai donc ressenti ce paradoxe : je m’engageais complètement dans mes relations, et je tenais à la liberté et à l’amour, il fallait que cela fonctionne ensemble. Par la suite j’ai découvert que l’absolu n’était pas là, il y a eu plein de traversées du désert. Un jour je suis allée complètement par hasard à des entretiens donnés par Yvan Amar et là, c’était la preuve pour moi que cette recherche pouvait aboutir. Yvan avait commencé à nous donner des outils sous la forme de la relation consciente et je me suis engagée avec ces outils dans mes relations. Après sa mort, j’ai commencé ma première formation PNL avec w. un peu par hasard et plutôt pour des raisons professionnelles. À la fin de la première année, je n’avais pas l’intention de continuer, mais un jour j’ai surpris une phrase de O. qui disait de moi : « Oh je connais, elle fait partie des gens qui ne s’engagent pas ! ». J’ai été très piquée et pour lui donner tort, je me suis engagée ! C’est extraordinaire de voir comment les choses importantes de la vie tiennent à des miettes ! J’ai senti la vérité dans ce groupe d’humains. Pour moi, cela se jouait à travers le groupe, beaucoup plus qu’à travers le rapport individuel avec W. qui n’existait quasiment pas. Pour moi l’engagement se joue vraiment au niveau des actes, qui sont nourris par cette aspiration. Ca s’est fait pour moi de façon très progressive, car j’étais très encombrée par les concepts, les valeurs, et ici rien ne pouvait y répondre. Cela a été très difficile de me dépouiller de tout ça et je n’en suis pas encore complètement dépouillée ! Par contre, la confiance en la personne de W. est devenue entière. La grande découverte, c’est la simplicité, parce que c’est très simple ! Aujourd’hui mes critères ne tiennent plus dans des concepts, mais dans des moments partagés de silence où je ressens l’immensité et la gratitude.

J-L, tu as été interpelé, j’ai l’impression !

Chaque témoignage a eu une résonance en moi. Et par rapport à l’engagement, je mesure le courage et la persévérance qui sont nécessaires. En écoutant les différents témoignages, la promenade dont je parlais m’a paru moins désorganisée. Les routes sont différentes mais elles vont au même endroit. Et cela m’a un peu rassuré, dans le sens qu’il s’agit toujours d’une promenade, mais pas au hasard, pas parce que je m’ennuie ou que je veux me distraire. Je pensais qu’il s’agissait d’une forme de distraction ou d’éloignement, mais en vous écoutant, je prends conscience qu’il s’agit plutôt de bifurcations, et heureusement qu’elles ont eu lieu. Avant c’était trop tôt et après ce serait peut-être trop tard, et j’ai l’impression que la rencontre est arrivée au bon moment. J’avais cette idée de promenade, car je ne sens pas chez moi une action dirigée, une volonté de chercher. J’ai plutôt l’impression que des choses se passent et que j’y réponds ou pas. La seule chose que je peux un peu faire c’est être vigilant.

Il faut se tenir prêt à saisir les opportunités.