(à L.) Il y a une grande inertie chez toi, par rapport à tout ce qui est expression verbale, écrite, communication. Et ça donne des incongruités quand tu m’écris. Par exemple, cinq semaines avant la dernière rencontre, tu m’as écrit par mail que tu ne viendrais probablement pas. Comment pouvais-tu savoir, cinq semaines avant, que tu ne pouvais pas venir ? Ça m’interpelle et je ne sais pas ce qu’il y a derrière.
Moi non plus. Tout ce que je ressens, c’est que ce n’est pas normal.
Il faut passer à l’action.
Mais je n’y arrive pas.
Voilà, ça c’est l’inertie dont j’ai parlé.
Je me souviens il y a quelques années, je t’ai contactée deux fois par mail pour une question fonctionnelle ; c’était relativement urgent, mais comme tu ne répondais pas, A. a dû t’appeler pour avoir une réponse. Une fois même, tu as pleuré quand tu as reconnu que tu aurais dû me répondre et que tu ne l’avais pas fait après trois relances. Mais c’était exagéré, tu es entrée dans le sur-émotionnel, pour t’excuser de ne pas l’avoir fait. Ensuite ça n’a pas changé grand-chose, tu as continué à procrastiner dans tout ce qui touche aux mails. C’est toi qui te charges en émotion, mais souvent, dans les échanges fonctionnels, l’émotion n’a pas de raison d’être. Il y a sûrement une résistance aussi, à ce niveau-là. Je ne sais pas d’où ça vient chez toi. Sur-émotion, oui, résistance, oui.
J’ai un bon exemple : avant de partir j’ai rangé mon bureau, et j’ai trouvé un texte que je n’arrivais pas à envoyer, car pour moi, c’était des mots lamentables. En arrière-plan il y a un attachement au fait que je suis habituée à trouver quelque chose toute seule. Et là, je n’y suis pas arrivée, donc ce que je dis me paraît dérisoire.
J’étais habituée à décrire tout le processus, avec aussi ma solution, et là je n’y suis pas arrivée.
Oui, mais ça tombe tout de suite dans un émotionnel très chargé, trop chargé, et c’est complètement inadapté à la situation.
Oui, ça je le reconnais, mais ce n’est qu’une expression visible ; ce qui est beaucoup plus fort c’est que je ne peux pas y arriver seule, et pour moi c’est terrible.
Bien sûr, tu ne peux pas y arriver seule, ça tu le sais avec la tête.
En plus, ça fait des années que tu expliques aux autres qu’on ne peut pas y arriver seul.
Je sais qu’il est évident que j’ai besoin de quelqu’un, puisque je suis là depuis des années.
Tu le sais intellectuellement seulement.
Oui mais je viens.
Oui, tu peux venir, mais ça ne suffit pas. Il faut que tu t’exposes, comme tous les autres. Si tu as un concept que d’abord tu dois y arriver toute seule, tu fais tout ce que tu peux, et ensuite tu désespères, tu te fais disparaître, et tu n’y arrives pas ; mais tu ne bascules pas encore vers cette demande d’aide authentique.
Maintenant, c’est une vraie demande.
Pour moi, ce n’est pas encore la vraie demande, c’est une amorce de demande. Cette amorce est là, elle survient de temps en temps ; mais ce n’est pas la vraie demande que j’attends.
Dans la vraie demande, il y a quelque chose de l’humilité qu’on ne ressent pas encore chez L. Derrière ses mots, j’entends une demande, mais je ne sens pas l’humilité, ou peut-être pas complètement. Comme si c’était : « je fais une demande parce que je suis bloquée », mais en même temps, il y a cette petite voix qui dit : « ça m’embête de faire une demande, parce que du coup, c’est comme si je me mettais dans une position inférieure à l’autre, et que je vais être redevable de quelque chose ». C’est ce que j’entendais dans ce que L. exprimait, alors que dans la demande avec humilité, il y a abandon, sans la pensée « je devrais y arriver toute seule » qui vient polluer.
Oui, c’est ça, humilité, c’est le mot. Parfois, j’ai l’impression qu’il y a aussi une peur d’affronter tes émotions ; elles sont tellement fortes que pendant la croyance de base, quand ça touchait l’émotion, tu partais dans le mysticisme qui est une des formes de résistance à la croyance de base. Certaines personnes partent dans l’imaginaire, dans l’ésotérisme, dans les trips spirituels. C’est à toi de voir, mais cela pourrait être la peur d’affronter tes émotions à la base. Est-ce que ça te parle ? C’est tellement fort, c’est tellement bouleversant, que tu n’as jamais vraiment osé y aller. Tu as dosé en quelque sorte. Je ne veux pas dire que tu aurais dû le faire, c’est juste pour te faire avancer.
Et ça bien sûr, ça joue potentiellement dans toutes les situations où tu ne lâches pas, parce qu’il y a cette peur d’être totalement envahie par l’émotion.
Oui, ça me parle.
Le signe d’une vraie humilité, c’est peut-être aussi ne pas avoir peur d’aller dans l’émotionnel, et dans l’auto-écroulement. Chez des gens humbles, comme par exemple Yves Garel, ou pour beaucoup d’ex-alcooliques ou d’ex-drogués, l’humilité transparaît. J’ai vu ça en Inde, et aussi en France, chez ceux qui sont vraiment allés jusqu’au bout, qui ont basculé, et qui ont vécu probablement la capitulation. Ensuite, souvent, l’humilité devient visible. Quand je la vois, même dans une simple rencontre, même sans parler, ça me touche. C’est l’extrême. C’est authentique dans le sens où ils n’attendent plus rien. Si tu me donnes quelque chose, c’est bon, si tu ne me donnes rien, c’est bon aussi.
Je la vois aussi chez Stephen Jourdain, bien que son expression soit vraiment le contraire de ce qu’on peut penser de l’humilité. J’ai passé plusieurs jours avec lui dans sa maison, et cette impression n’a pas changé. Après, toutes ses histoires avec les femmes, et tout ce qu’il raconte, c’est totalement périphérique par rapport à l’homme. C’est un phénomène pour moi, complètement insaisissable dans le déroulement de sa vie : il était dans l’immobilier, il roulait en jaguar, mais il a tout gaspillé, et finalement il n’avait plus rien. Il était marié, avec quatre enfants, et dans chaque ville où il faisait des conférences, il avait une copine, il ne le cachait même pas. Mais quand sa femme débarquait, il commençait à avoir un peu peur. Quand il m’a parlé de ses histoires avec les femmes, il disait « mais tu sais, je n’y suis pour rien, ça m’arrive, ça me tombe dessus, et c’est comme ça » : il était totalement innocent, comme un enfant.
Tu vois, en ce moment ce que je vis, c’est qu’il y a un détachement vraiment incroyable, et en même temps, il y a un manque d’innocence, et ça me trouble, parce que ça n’est pas normal.
Oui, c’est vrai.
C’est pour ça que je ne sais pas. J’observe. En ce moment, je suis tellement dans le manque de cet état de joie et d’innocence ! Je peux être dans un moment d’émerveillement, mais ce qui me manque, c’est l’enfant en moi, et quand je vois de la fraîcheur, je suis émue, mais je ne l’ai pas en moi.
Tu sais, les enfants qui sont dans l’innocence ont beaucoup moins d’émotions que toi. On revient à ce qui a déjà été dit : la sur-émotion est un empêchement pour être dans l’émotionnel. Un enfant n’a pas trop d’émotions. Dans l’innocence, il n’y a pas trop d’émotions.
Je sais.
Et chez toi, la grande émotion fait écran à l’innocence.
C’est lié à la responsabilité, comme si j’avais une responsabilité qui empêchait ça, mais c’est un leurre, je le sais. Et pourtant, je ne décode pas le mécanisme, je n’arrive pas à casser ça.
Et qu’est-ce que tu mets derrière le mot « responsabilité » ?
Être autonome, gérer sa vie seule, c’est ça qu’elle met.
Même vis-à-vis des autres, il y a des moments où je dis les choses, et des moments où je ne les dis pas, mais je vois des choses à travers l’autre.
Oui, mais tu sais quand tu es dans l’innocence, tu as beaucoup moins d’empathie, un enfant n’a pas trop d’empathie.
Oui, en ce moment, il y a un grand détachement.
Mais ça ne suffit pas.
C’est terrible parfois quand je vois tout. Je vois dans l’autre, c’est parfois affreux.
Oui, mais tu seras détachée de ça aussi.
Et même quand c’est affreux, j’essaye de dire ce qui vient.
Oui, mais ça, c’est déjà trop, tu n’es plus dans l’innocence.
C’est comme si j’avais la responsabilité de ça.
Oui, mais lâche, lâche ! Un enfant n’est pas responsable pour ses parents.
Oui, mais moi, je l’ai été.
Lâche ça.
Ce qui m’est venu, c’est que l’humilité, c’est l’abandon à « je ne sais pas. »
Oui, alors qu’actuellement il y a un grand « je sais » en toi. Par rapport à la responsabilité, entre autres.
Et pour être innocent, les concepts ne fonctionnent plus : « je dois aider mes parents, je dois m’occuper d’eux. ». Je me suis occupé de ma mère à ma façon, et non à sa façon. Il y avait la pression en permanence, mais je ne peux plus céder à aucune pression, parce que je ne peux faire que ce que je sens en moi. Tu ne sais pas encore le faire totalement, et ça, c’est le risque à prendre. Quand on veut vraiment être soi-même, les images, c’est fini. Tu le fais en partie, mais ce n’est pas encore totalement au point.
En tous cas, je peux te dire que ça fait de sacrés remous dans ma famille, parce que justement, ce n’est plus possible pour moi.
D’accord, mais il faut aller encore plus loin, beaucoup plus loin dans cette démarche d’innocence. C’est très égoïste quelque part, et incompréhensible pour l’autre, le fait que tu ne puisses pas faire ceci ou cela. Tout le monde dit que c’est bon, tout le monde le fait, et toi, tu ne peux pas te forcer. Dans l’innocence, un enfant peut gratter les yeux de son grand-père, ou maltraiter un chat, ou ce genre de chose, tu vois ? Et tu en es là. Est-ce que tu es prête à vivre ça ?
Oui.
Ça n’arrive que très rarement, mais ça peut arriver, que tu ailles à l’encontre de toutes les conventions, parce que tu sens qu’à ce moment-là, tu dois faire ça, et tu sens à l’intérieur de toi-même que c’est juste. Cela fait partie de l’innocence pour moi. Comme Steve Jourdain qui dit « mais j’aime ma femme ! », mais pour qui le reste est bien aussi. Tu ne peux plus faire autrement au moment où tu as tout lâché. Comme dans la voie soufie de Malamati. On leur demande d’aller dans l’église et de maltraiter la croix, ou d’aller voler des choses, ou de faire des actes de ce genre, simplement pour leur enseigner à casser toutes les conventions ; ça fait partie de la voie. C’est pour ça qu’ils sont dans le secret ultime, personne ne sait vraiment ce qu’ils font. Le peintre Luis Ansa était avec eux, mais il n’en a jamais parlé, parce que c’est excessif, c’est presque criminel parfois.
Ça, je le vis au niveau de la vie quotidienne. Par exemple je reste cinq minutes avec mon fils et ses copains qui viennent manger, et puis je pars, je m’isole. Alors, il vient me voir : « Ça ne va pas ? ». Et deux heures après, il revient, mais je n’ai pas envie de me lever. Le lendemain, il me redemande si ça va. Et maintenant il a compris, et c’est lui qui va dire « elle se repose ». Comme pour les séjours ici avec vous, mon fils et ma fille ne posent plus de questions, ils ont compris. Mais je ne peux plus faire semblant, à ce niveau-là. En famille, il y a eu des frictions à cause de ça.
Mais tu n’assumes pas encore totalement cette innocence. Il y a quelque chose en toi qui n’est pas clair, je dirais que ce n’est pas naturel.
C’est pour ça que je parle d’un deuil à faire.
Ce n’est pas un deuil, c’est un saut quantique ! Oublie le deuil, c’est un saut dans le vide et tu ne peux pas savoir où tu vas atterrir, ni ce qui t’attend. O., comment fais-tu ?, parce que tu es aussi en permanence confronté à des objections par rapport à ton comportement, tes attitudes, tes décisions.
C’est une souffrance à chaque fois.
Mets la souffrance de côté. Est-ce que ça peut te faire changer d’avis ?
Ça peut me faire changer un mode opératoire.
Mais au fond ?
Il peut y avoir des expressions différentes, mais sur le fond, non jamais, et c’est là qu’il peut y avoir de la souffrance. C’est toujours pour moi un challenge d’accueillir cette souffrance-là.
Parce que parfois, tu comprends pourquoi l’autre ne comprend pas et ça peut être une souffrance.
Oui, tout à fait. Par exemple, j’ai régulièrement des retours sur mon « égoïsme » et je comprends très bien pourquoi on me dit ça, je comprends qu’ils n’ont rien compris, et je comprends leur point de vue et leur souffrance. Dans le contexte familial, c’est le plus difficile. Au travail, j’ai l’image de quelqu’un d’un peu bizarre, mais ça fait partie du personnage qu’ils apprécient, parce que ça permet de remettre des choses en question et là, j’agis un peu comme je veux, c’est accepté.
Les autres comprennent que c’est totalement inutile de vouloir obtenir autre chose de toi que ce que tu concèdes, et tu peux valider que maintenant tu as vraiment atteint un niveau d’authenticité avec toi-même, « définitif » en quelque sorte. Maintenant tu es dégagé au niveau du travail. Les gens savent que c’est inutile d’essayer.
Oui, l’exemple le plus extraordinaire, c’est quand j’ai annoncé que je partais à M. Il n’y avait aucun problème, et on m’a même proposé un CDI pour que ce soit plus facile avec les banques.
Là, c’est vraiment la validation que te renvoie la vie. Maintenant tu as atteint un master en authenticité.:)
À la maison, ce n’est pas comme ça.
À la maison, pour le moment ce n’est pas comme ça, mais c’est clair que ça passera un jour. Ça ne peut pas ne pas passer quand toi, tu restes authentique. La validation, c’est quand l’entourage lâche, abandonne. C’est ça la validation ultime.
Et c’est vrai que quand on fait des choses, avec les enfants par exemple, je valide toujours que je suis d’accord, au fond de moi. Je l’ai remarqué souvent, c’est probablement pour ça que je suis toujours dans un environnement familial, malgré les grosses perturbations. C’est vrai que je peux faire différemment, parfois, mais je ne fais pas ce que je ne veux pas.
Oui, oui, j’ai fait ça aussi. Et toi, A., à un moment donné, tu as fait comme ça, tu t’es dégagée un peu de ta famille ?
Oui, complètement, mais cela s’est passé il y a déjà longtemps. Par exemple, je n’appelle jamais ma mère, alors qu’elle appelle ma sœur quasiment tous les jours ; mais moi pas, et c’est bon comme ça. Avant je culpabilisais, mais je ne pouvais pas. C’est comme ça.
Mais est-ce qu’on te sollicite ?
Oui, mais sans pression. On me demande, je peux ou je ne peux pas, mais je ne me sens pas du tout harcelée.
Il n’y a pas de chantage émotionnel ?
Non, pas du tout, au contraire.
Et la différence, (à L.) c’est qu’avec toi, j’ai l’impression que tu sais que c’est bon de faire comme ça, mais ce n’est pas encore naturel.
Mais je le fais.
Oui, tu le fais, mais ce n’est pas naturel. Tu le fais parce que tu sais que c’est juste, mais ça ne vient pas naturellement. La prochaine étape, celle du saut quantique, c’est que tu n’y penses même plus, que tu le fasses comme ça, non pas parce que tu sais que c’est bon, mais parce que ça te vient, et que ça ne peut pas être autrement. La qualité est différente ; là, il y a de l’innocence. Tu n’es pas encore arrivée au moment où tu ne peux pas faire autrement de manière naturelle.
Il manque le basculement vers ta nature, c’est ta nature d’être libre, d’être vraiment complètement libre ; cette innocence qui manque, c’est ça aussi, c’est ta nature. Si très tôt tu as dû prendre des responsabilités pour tes parents, ou pour ta fratrie, ça peut être un peu plus difficile, mais maintenant, c’est le moment.
Moi je n’appelle jamais ma mère, elle m’appelle seulement de temps en temps, mais les autres, ils l’appellent tous les jours ; moi je ne l’ai jamais fait.
Oui mais je suis sûr qu’il y a encore autour de toi des gens qui savent appuyer sur le bouton qui te fait quand même céder.
Justement, en ce moment, non.
Je ne suis pas si sûr que ça.
Sincèrement non, parce qu’on me l’a demandé, et j’ai dit non.
Par d’autres moyens, peut-être ; mais ça c’est une hypothèse, c’est à toi de vérifier.
Oui.
Tant que ce n’est pas naturel, il y a des chances que des manipulateurs autour de toi trouvent le bouton, et le poussent.
Ça c’est vrai, même un de mes frères ne comprend pas que je ne sache pas à l’avance ce que je vais faire, pour lui, c’est inconcevable, et eux sont très perturbés.
Déjà, tu es sur la bonne piste, mais il manque encore quelque chose.
Quand tu es vraiment libre, tu n’as plus le choix. Tu ne peux pas ne pas obéir à ce que la liberté te dicte de faire ou de ne pas faire. Et ça, ce basculement-là, c’est particulier, parce qu’après, on n’est plus sûr de rien, de ce qu’on fait ou ne fait pas, de ce qu’on dit ou ne dit pas, ça vient tout seul, ou ça ne vient pas. Il n’y a plus de retour possible ; à partir du moment où tu bascules vers cette liberté, tu retrouves ton innocence de base, même quand ça te plonge dans un gros pétrin, tu ne peux pas faire autrement. Osho s’est mis dans des situations impossibles parce qu’il disait ce qu’il pensait. Quand il a été extradé des USA, un seul pays était prêt à l’accueillir : Chypre. Et la première phrase qu’il a dite, devant toute la presse, c’est : « Oh, je suis à Chypre, avec tous ces popes médiocres et hypocrites ! » le seul pays qui l’accueillait ! Et en Inde, où il y a des musulmans, il disait « vous savez, la kaaba, c’est la pierre la plus sale de la planète, avec toutes ces bactéries, ces microbes, ces gens qui la touchent. ». Le lendemain, un musulman lui a donné un coup de couteau. On ne peut plus faire autrement. Il faut savoir qu’on prend des risques quand on est libre. Plus personne ne peut te retenir de faire ce genre de bêtise, même pas toi-même, tu ne peux te retenir.
Il y a les mêmes histoires autour de Gurdjieff ; les gens ne comprennent pas, et certains pensent « il a fait ça pour telle ou telle raison ». Mais c’est de la bêtise, il a fait ça parce que ça lui est venu. Il a provoqué plusieurs accidents de voiture, et il s’est retrouvé à l’hôpital, presque mort. Et ça, ça peut arriver à chacun.
Mais comment ça se fait qu’à toi, ça n’arrive pas ?
Mais ça peut m’arriver, à tout moment, je sais que ça peut m’arriver, et je ne vous parle pas de ce qui m’est déjà arrivé. C’est pour vous indiquer le risque que vous prenez d’être libre, il faut savoir qu’il n’y a plus de limite, là.
Est-ce qu’il y a un moyen, au début, de tempérer cette liberté ?
Non, justement, c’est incontrôlable.
C’est en bloc dès le début ?
A partir d’un moment, quand tu es libre, oui. On peut se ré-enfermer, peut-être, mais une fois que tu as goûté la liberté, je vois mal comment c’est possible. Mais ça n’arrive pas tous les jours, quand même, ce genre de bêtise. Pourtant, ça peut arriver à tout moment, il faut le savoir.
Il y a des histoires de moines bouddhistes considérés comme fous, qui étaient totalement sages et fous, qui avaient des comportements inattendus.
Je crois que tous les gens qui sont libres ont, selon le point de vue des autres, un côté rebelle. Ce n’est pas possible autrement, sinon, ce sont des saints. Une personne libre ne peut pas ne pas avoir, de temps en temps, des comportements un peu bizarres. Donc, il faut être prêt à ça. Et à la prise de risque aussi. Pas des prises de risque dans le sens ordinaire, mais ce sont les autres qui le voient comme ça et qui se disent « comment peut-il prendre ce risque ? » Pour celui qui le fait, ça vient tout seul, c’est tout.