C’est quoi, l’intérêt personnel ?
L’intérêt personnel ne tient pas compte du contexte et des conséquences pour les autres : « Moi d’abord, après moi le déluge ». Il ne peut venir que de l’identité, d’un mécanisme identitaire. Quel que soit ce mécanisme identitaire, il va agir pour se maintenir.
L’intérêt personnel n’est pas toujours évident à démasquer, il peut se cacher sous de belles actions (charité par exemple), comme les actions impersonnelles peuvent avoir l’apparence de dureté et de non-amour.
L’intérêt personnel c’est quand je me fais passer moi avant le contexte, que je choisis d’agir pour me protéger, pour ne pas ressentir la souffrance nécessaire d’une situation. Je suis dans l’intérêt personnel quand je procrastine privilégiant mon confort sans me soucier des répercussions sur moi et les autres par exemple. Je fais la distinction entre deux sortes d’intérêt personnel, le légitime : assurer ma survie, avoir un environnement assez confortable pour me sentir bien et être opérationnel, prendre soin de moi et de mon environnement, etc. et l’illégitime : faire passer mon confort personnel avant ce que la vie me demande de faire.
L’intérêt personnel est la recherche de ce que l’identité estime avoir besoin pour devenir entière, pour tenter de se solidifier, de faire de la personne un tout. Puisque l’identité est basée sur la croyance illusoire de la séparation, les efforts déployés dans la poursuite de l’intérêt personnel aboutiront toujours à l’échec. Même lorsqu’il y a l’apparence extérieure du succès, subjectivement, ce n’est qu’un moment de bonheur passager. L’intérêt personnel cherche à acquérir tout ce qui est nécessaire pour que l’identité puisse vivre sans séparation. L’illusion que quelque chose peut être acquis pour apporter le bonheur est, pour presque tout le monde, une vérité incontestable. En résumé, l’intérêt personnel est la façon dont l’identité se nourrit. C’est l’aspect chasseur/cueilleur d’une structure psychologique.
L’intérêt personnel c’est comment tirer parti d’une situation, d’une relation, de conditions de vie, dans le seul but de satisfaire ses envies, de rester dans son confort, d’en obtenir un bénéfice personnel. C’est le contraire de se laisser porter par le flux de la vie et de ce qu’elle nous propose pour évoluer. Quand je suis dans l’intérêt personnel, c’est un peu comme si j’étais possédée par le « côté obscur de la force » : si je m’en rends compte, c’est tout simplement insupportable et je peux entrer à ce moment-là dans un profond dégoût de moi-même. Cela devient alors un levier pour en sortir IMMEDIATEMENT et sans discuter, quelles qu’en soient les conséquences sur moi ou sur mon environnement de vie. Si je ne le faisais pas, il me semble que je le ressentirais comme un suicide existentiel. Encore faut-il s’en rendre compte.
Je vois l’intérêt personnel comme un instrument très actif et très sensible (l’image qui me vient est celle d’un GPS). Il agit en deux temps : d’abord il analyse immédiatement tous les éléments d’une situation, et il les hiérarchise en fonction de l’agrément ou de la souffrance qu’ils pourront procurer. Ensuite, il donne l’impulsion pour choisir le plus agréable, et écarte, évite, ou si ce n’est pas possible, efface, nie tout ce qui est désagréable. La mise en marche de l’instrument produit une légère sensation intérieure, comme un signal sonore… Si je ne suis pas arrivée à débrancher l’appareil assez tôt, je peux l’utiliser à contresens. Par exemple, s’il me hurle d’aller à droite, je peux choisir d’aller à gauche, et d’expérimenter la liberté que ça me donne. Si je vais à droite, aïe, aïe, aïe !
C’est le bénéfice que je peux obtenir d’une décision, d’une action, d’une situation, d’une personne. Le gain pour mon ego, ce que cela me rapporte personnellement (considération, reconnaissance, confort, évitement de la souffrance nécessaire, évitement d’assumer ma responsabilité, évitement de prendre un risque, obtenir ce que je veux au détriment de l’autre, des autres : pouvoir, domination, argent, sexe…), en me mentant à moi-même, en culpabilisant l’autre, en utilisant la pression, l’intimidation, le chantage affectif, la manipulation… Avant de prendre une décision, je me dois de veiller à me poser une de ces questions : qu’est-ce que ça m’apporte ? Quel est le bénéfice secondaire ? Qu’est-ce que je peux en retirer ?
L’intérêt personnel, c’est la motivation qui favorise des comportements au bénéfice de soi-même. J’entends ici par comportement : pensées, paroles ou actions. La notion de bénéfice, elle, sous-tend que l’intérêt personnel s’établit dans un rapport au monde et le plus souvent au détriment des autres. Seul sur une île déserte, l’intérêt personnel a peu d’opportunité de s’exprimer. Enfin, « soi-même » renvoie à l’identité, l’ego, c’est-à-dire l’illusion d’être séparé. Si je tue un animal pour manger, est-ce de l’intérêt personnel ? Non, puisqu’il s’agit d’un acte qui appartient à la vie « naturelle » et qui n’a aucun rapport avec l’idée de moi-même. A contrario, l’intérêt personnel fonctionne souvent à un niveau subtil, en recherchant des bénéfices secondaires. Par exemple, une personne très serviable peut le faire pour avoir de la reconnaissance.
Au final, il est extrêmement complexe pour un observateur de savoir si le comportement d’une personne se produit par intérêt personnel ou pas. Lorsque c’est le cas, le seul critère que j’ai pu valider à ce jour, c’est que je ressens une contraction interne subtile associée à la conscience corporelle.
L’intérêt personnel commence à partir du moment où on ne se met plus au service de la vie. Et qu’on décrète qu’on est en droit de se servir soi-même, dans la vie. C’est une absence de gratitude et une forme plus ou moins visible d’arrogance : je ne me contente plus de ce que la vie m’offre, alors je prends. Je prends en fonction de la force ou du pouvoir dont je dispose. J’arrache, à la vie, aux autres, au monde ce que je convoite. Pour mon plaisir personnel, mon confort, mon besoin de sécurité, mon désir de reconnaissance, mon avidité… pour combler le vide créé par la séparation qui se met en place justement au moment où on quitte le service. C’est une tentative désespérée de se sentir vivant. Désespérée et vaine. Fuyant le service, la vie cesse de nous irriguer et il ne reste alors que la mécanicité : une vie intérieure sans goût, sans couleur, fade, qu’on croit pouvoir raviver à travers la satisfaction de ses envies. On n’est plus en vie, on est envies. Il n’y a plus humilité mais avidité. On ne se donne plus, on prend. L’intérêt personnel se cache dans les actes les moins visibles, tout comme dans les réalisations les plus grandioses. Il est sans fin, car il ne rassasie pas ; le vide intérieur ressenti engloutit tout sans être jamais comblé. Il n’y a que lorsqu’on se soumet à la vie qui décide et qu’on participe à son déploiement selon les directions intérieures qu’elle nous souffle, qu’alors la vie reflue dans notre être qui se sent alors vivant et comblé, indépendamment des conditions extérieures.
L’intérêt personnel est pour moi l’expression insatiable de la vie illusoire. La nourriture égotique du faux en moi qui cherche à survivre à sa vie misérable. L’intérêt personnel se manifeste à travers les désirs de possession, de fausse sécurité, de plaisirs futiles qui viennent interférer avec l’expression issue du néant, à travers la tentation de se détourner du vrai. Y accéder serait alors le renoncement à la vie elle-même. Un blasphème.
Pour moi l’intérêt personnel, c’est lorsque je cherche à détourner ou freiner le flux de la vie dans le but de servir les mécanismes identitaires, ça crée la dualité. A contrario, je définirais « l’intérêt impersonnel » comme étant l’expression de la valeur de base.
L’intérêt personnel, c’est lorsque mes actes, mes propos trahissent ce que je crois (sans toutefois le vivre en permanence) : que je suis reliée à la vie tout entière dans ce qu’elle met sur mon chemin. Tout ce que j’ai acquis en grandissant et qui ont fait ma personnalité a fini par me faire oublier « mon essence ou notre essence qui nous est commune » ; la connaissance de soi m’ouvre petit à petit à cette compréhension. Tant que je serai partiale dans la vision que j’ai de mon environnement, je serai dans l’intérêt personnel. La conscience corporelle, la considération externe et la vigilance, entre autres, sont le moyen pour y être moins.
L’intérêt de l’ego c’est de se confirmer à lui-même son existence. L’intérêt personnel, ce sont des émanations de l’identité qui servent de preuve quant à son existence (non-existante). C’est le carburant de son existence, produit par elle-même. L’intérêt personnel, l’identification, etc. sont bien liés et du même genre. Au niveau logique, il y a pourtant des différences, par exemple, entre l’identification et l’intérêt personnel. L’identification joue au niveau existentiel, c’est-à-dire au niveau de l’existence (imaginée) de l’identité, alors que l’intérêt personnel joue davantage au niveau des actions de l’identité dans le (son) monde. Mais ce ne sont que des points de vue différents lorsqu’on observe l’identité et ses divers aspects. L’identité se considère comme propriétaire de choses, de compétences etc. L’intérêt personnel sert l’identité au niveau des relations avec autrui, avec des choses, des idées etc. À travers l’intérêt personnel, l’identité cherche à gagner des avantages.
Je relie l’intérêt personnel à une balance déséquilibrée de la focale : soi-même vs P.A.C.I.L. / considération externe. Je ne peux pas être détaché du risque de l’intérêt personnel tant que je sens une tension corporelle ou une agitation mentale qui bride la considération externe. Je vois donc l’intérêt personnel comme des « graines non cuites » qui s’activent quand les conditions favorables à leur développement apparaissent à travers une situation de vie (ce qui est le principe même de la graine) ; elles s’expriment alors sous forme d’émotions « négatives ».
L’intérêt personnel, c’est l’attente d’un résultat visant à ne pas déranger un certain confort personnel, c’est la peur de perdre le contrôle, la peur du vide de soi-même. Il sépare des autres, de la vie réelle, et c’est une vraie trahison de ne pas en être conscient, il relève du mensonge personnel. En prendre conscience ne peut qu’engendrer le remords.