Que faire quand on est confronté à la mauvaise foi de quelqu’un ?
Je vois deux cas, dans les deux la première chose à faire c’est d’accepter et d’accueillir la souffrance nécessaire quand on s’en rend compte. Dans le premier cas que je dirais banal, où on n’est pas impliqué émotionnellement ou fonctionnellement avec la personne, on peut jouer dans son sens ou faire semblant d’être d’accord, puis essayer de changer de sujet, divertir son attention sans avoir l’air de rien, afin de ne pas se laisser embarquer dans une discussion foireuse et ne pas susciter de conflit avec elle.
Dans l’autre cas, où l’on est impliqué avec la personne, après l’accueil de la souffrance nécessaire, on peut aussi utiliser la même stratégie quand c’est possible. Et selon la personne et/ou les circonstances, on peut essayer de lui proposer une autre vision des choses, afin de voir si elle peut se remettre en question ou considérer les choses différemment. Mieux vaut y aller en douceur avec un langage du cœur, et vérifier ce que cela suscite en elle, en étant conscient que l’on a affaire à un tampon que la personne a mis en place pour ne pas ressentir la souffrance et ne pas voir ses propres contradictions, ou pour justifier par exemple sa procrastination. Tout ceci concerne les personnes qui sont de mauvaise foi « de bonne foi », car elles sont obligées de croire à leurs mensonges personnels pour garder un équilibre sans ressentir la douleur.
Concernant la mauvaise foi consciente, on a affaire à des personnes qui veulent manipuler, que ce soit pour des jeux de pouvoir, d’argent ou de domination, voire faire du mal à quelqu’un ou à sa réputation. Dans ce cas je ferais le minimum pour ne pas susciter de résistances et je trouverais un prétexte pour pouvoir partir rapidement.
Le plus dur évidemment c’est quand on ne peut pas s’en aller : si la personne vit avec nous, fait partie de la famille ou est un(e) collègue de travail. On peut bien sûr appliquer toutes ces stratégies (liste non-exhaustive) mais parfois il n’y a pas d’autre choix que d’aller au conflit. Dans ce cas, il faut signifier à la personne ce que son comportement induit, puis couper les ponts ou prendre la distance nécessaire s’il est impossible de résoudre le problème. Le but dans tous les cas est de rester «propre».
Accueillir la souffrance nécessaire, et en fonction du contexte et de la personne, faire le choix de : « faire comme si », rester en silence, partir, ou au contraire signifier à l’autre que je ne suis pas dupe, sur le moment ou quand j’en aurai l’occasion.
Je n’ai pas d’exemple en tête, mais généralement j’avais tendance à adopter la pensée : « oh le pauvre il n’a pas d’autre choix que d’activer le mode : mauvaise foi », et je laissais courir.
Je sais maintenant que c’était pour me protéger d’un conflit qui se profilait à l’horizon. En fait l’un et l’autre nous nous protégions. Maintenant je sais accueillir le conflit qui arrive (avec la souffrance qui peut aller avec). Toujours est-il que quand je connais bien la personne, soit je lui demande sur un ton ironique de répéter ses propos, soit je les répète moi-même sur le ton de l’ironie ou bien alors je me fige et reste silencieuse en la regardant droit dans les yeux. Ça déverrouille la situation, dans le sens que ça engage sur un autre mode.
Dans tous les cas, il faut soi-même rester propre et ne pas être identifié, sinon, rien n’est possible.
Ensuite, la réponse peut dépendre du contexte et notamment du niveau de conscience de l’autre et de l’impact de cette mauvaise foi sur les tiers. Mais en général, l’humour est la meilleure des réponses. Quand il s’agit de personnes proches qui font un travail sur eux, on peut aussi facilement le nommer. On peut aussi utiliser l’effet paradoxal en exagérant le trait.
Il s’agit d’abord d’accueillir le choc. Pour moi, stupéfaction, impuissance, sensation aigüe et douloureuse de séparation (comme si on n’appartenait plus à la même espèce humaine). Mais bien sûr, je parle là de la « vraie » mauvaise foi cynique, qui nie les faits pour mieux écraser ; ça fait longtemps que ça ne m’est plus arrivé. Je réagissais par l’indignation, la colère (émotion négative exprimée), et c’est sûr que c’est une impasse. Je pense qu’aujourd’hui, c’est dans cet accueil inconditionnel de la souffrance nécessaire que se présenterait l’attitude adéquate, dans l’instant.
Quant à l’autre mauvaise foi, sans réelle mauvaise intention derrière, je pense que l’humour est une bonne réponse, car elle inclut que nous pouvons tous avoir nos moments de « mauvaise foi » et que nous pouvons nous entraider pour débusquer ce « gibier ».
100% ok sur le fait de « rester propre » ce qui implique l’accueil de la souffrance nécessaire malgré la stupéfaction que ça génère parfois. Et il me vient le « ni exprimer ni réprimer » à propos de la colère. Rester détaché émotionnellement de l’évènement. Et agir en fonction du contexte. Ensuite je ne sais pas si une réponse est généralisable. Si le contexte l’exige peut-être qu’il faudra confronter l’autre à sa mauvaise foi, et peut-être rentrer dans la juste colère. D’autres fois il faudra juste partir. En tout cas veiller à rester soi-même détaché, à ne pas faire de projet sur l’autre (vouloir qu’il reconnaisse sa mauvaise foi par exemple) et surtout veiller à ne rien défendre. Rester propre, dans l’humilité.
Soit utiliser l’humour pour désamorcer une situation qui peut évoluer vers le conflictuel, soit rester dans le silence et « absorber » la mauvaise foi de l’autre qui la plupart du temps est la manifestation d’un tampon. Dans tous les cas, rester détaché.
Je crois que si on est présent à soi-même, dans la conscience corporelle, il faut laisser s’exprimer la réponse naturelle, correspondant à la situation et à la personne avec laquelle on interagit, et en assumer ensuite la responsabilité. Selon la situation, on sera traversé par de la souffrance nécessaire, un sentiment d’impuissance, une saine colère, une neutralité absolue. Ça m’est arrivé la semaine dernière au boulot : je suis parti en pleine « discussion », et le gars est venu s’excuser une heure après, en justifiant son emportement par un autre argument de mauvaise foi que j’ai fait semblant d’acquiescer car ça lui permettait de « sauver la face » et de clore l’incident.
Et la seconde chose que cette expérience (de se retrouver confronté à la mauvaise foi) m’a apportée, c’est de reconnaître à travers l’autre, toute MA mauvaise foi ! Celle que j’ai pu exprimer auparavant, celle que je pourrai éventuellement utiliser pour éviter la souffrance nécessaire demain. Réaliser pleinement que « l’autre, c’est moi » est aussi une belle leçon de lucidité. 🙂
En ce qui me concerne, je sais pertinemment que la mauvaise foi risque de se présenter à nouveau. Tout dépendra de ma capacité à accueillir la souffrance nécessaire et à m’enraciner davantage encore dans la conscience corporelle.
La mauvaise foi confronte au mensonge personnel, à l’affirmation de ce que l’autre sait comme faux.
Selon le contexte, la personne, l’interaction personnelle dans la relation : si on sent une faille possible, on peut se risquer à pointer un doigt dedans. On peut être surpris quand c’est pointé avec le cœur (et non avec le conflit de la raison) de pouvoir calibrer ce qui est touché chez l’autre, alors il a la possibilité de se confronter à la souffrance nécessaire jusque-là évitée. Si c’est du dur, ça pue en profondeur, là rien à faire, si ce n’est une quelconque pirouette pour fuir, car la mauvaise foi « bouffe la moelle » !
Rester propre c’est ne pas absorber cette souffrance inutile. Et si parfois je peux ressentir une « certaine peine » face au mensonge personnel et à la souffrance inutile qui l’accompagne, je constate quand même toujours un certain détachement affectif, parfois troublant. Détachement qui se manifeste dans l’action, soit sous forme de colère, sans rancœur, une manifestation de l’insupportable dans l’instant, soit une simple compassion sur la nature humaine qui renvoie juste à l’acceptation de son impuissance et de ce qui est.
Comment peut-on définir la mauvaise foi ?
Vouloir imposer une vision fausse des faits, soit par peur pour éviter une punition, soit pour se justifier et continuer à avoir un ego fonctionnel (pour ne pas remettre en question une image de soi que l’on s’est construite pour soi-même et pour les autres) soit pour ne pas remettre en question ses jugements ou croyances. La mauvaise foi arrive souvent en dernier recours comme sauveur par défaut quand le tampon en place risque de s’effondrer sous le poids d’une vérité assénée ou d’une remise en question de son comportement. Ça peut aussi être une arme d’attaque pour obtenir des avantages, dans ce sens-là ça s’apparente à de l’escroquerie.
Depuis que je travaille dans une prison, j’ai affaire tous les jours à des gens qui essayent de me tromper intentionnellement, et quelquefois les prisonniers essayent également de me tromper, ha ha ha !
Habituellement, la mauvaise foi intentionnelle ne me dérange pas autant que la mauvaise foi inconsciente des autres, qui par leurs paroles et leurs actions ont un impact négatif sur moi.
Avec la mauvaise foi intentionnelle, lorsque j’ai réalisé ce que c’est, il y a un éclair rapide d’impuissance : « oh, d’accord ». À partir de là il est possible de confronter l’autre avec sa connerie, ou simplement de réduire les interactions avec cette personne.
Cela dépend aussi d’où vient la mauvaise foi, il est possible qu’elle serve à cacher une honte. Dans une telle situation, je peux répondre par de la compassion ou essayer de faire une plaisanterie pour alléger l’atmosphère. Dans une situation où quelqu’un essaye de me tromper pour son bénéfice en sachant que cela peut être à mon détriment, cela peut se finir avec mon poing dans la figure du gars. Ça pourrait même être un acte de compassion, car « je l’aiderais » à développer une plus grande sincérité envers lui-même. Je rigole… Certainement pas de coup de poing ! Je dirais simplement à la personne ce qu’elle a fait, en la laissant avec ça.
La mauvaise foi est clairement un mécanisme identitaire. Sa fonction est de leurrer, maquiller une réalité qu’on n’accepte pas, et ça me semble se manifester de deux façons :
* la première concerne soi-même, lorsqu’on est « de mauvaise foi en toute bonne foi » comme quelqu’un a fait remarquer avec humour. C’est une croyance à laquelle on adhère, qui sert de bouclier, qui nie la réalité ou lui tord le cou, avec comme objectif de « tamponniser » au maximum et ainsi éviter l’humiliation par exemple ou d’autres types de souffrance. Ça me semble être un peu la dernière carte qu’arrive à jouer l’identité pour éviter d’être mise à nu dans toute sa « pitoyabilité ».
* la seconde vise les autres. Ce serait un instrument de manipulation pour influencer le comportement ou fausser l’interprétation d’une situation donnée, chez autrui. Un peu comme si on essaye d’inoculer un mensonge chez l’autre.
Voici une définition de la mauvaise foi que je trouve intéressante. On retrouve dans cette définition ce qui a trait aux tampons, mais aussi le fait que ça peut devenir un mécanisme identitaire :
http://philo.pourtous.free.fr/Atelier/Textes/mauvaisefoi.htm
D’après ce texte, il n’y a pas de discussion possible avec une personne de mauvaise foi. Effectivement la mauvaise foi est comme une barrière que l’autre met en place pour éviter toute souffrance nécessaire. Plus on essaie de la contrer, plus la barrière se renforce. L’humour peut éventuellement marcher suivant les circonstances. Mais dans notre travail, il est absolument nécessaire de dénoncer la mauvaise foi dès qu’elle apparaît, humour, attaque directe, peu importe.
J’aurais tendance à définir la mauvaise foi comme une confiance mal placée, couplée à une aliénation du bon sens. J’y vois aussi le fondement d’une croyance et le refus d’admettre la simplicité de la réalité par intérêt personnel (identité).
La mauvaise foi, pour moi, suppose la conscience du mensonge. Conscience plus ou moins claire selon les cas. C’est ce qui fait que le dialogue est impossible, et ne doit pas être tenté avec quelqu’un qui veut rester dans la mauvaise foi comme système de défense. L’impuissance et toutes les émotions négatives que ça peut susciter, ça c’est notre travail personnel.
Le mensonge personnel conscient. Même en essayant de se cacher la conscience de la chose, il y a la conscience. Par contre le mensonge à l’autre, sachant que l’on ment, voire même en pleine stratégie de manipulation, n’est pas de la mauvaise foi, même si ça peut apparaître comme de la mauvaise foi.
Dans toute relation, la mauvaise foi est hautement destructrice. Il n’est pas recommandé de fréquenter quelqu’un qui s’en sert. Les personnes de mauvaise foi sont à éviter, elles sont nuisibles et leur attitude déshonorante.
La mauvaise foi est une absence de considération externe (parfois couplée au mensonge, à la manipulation, à une volonté de représailles et même à la haine). User de mauvaise foi, c’est s’égarer gravement en créant une séparation totale.
Être de mauvaise foi ne signifie pas que la personne qui l’utilise n’est pas « propre » dans bien d’autres aspects de sa personnalité.
Pendant des années j’ai su que ma femme était de mauvaise foi, mais j’avais une sorte de blocage à pleinement réaliser ça. Je ne pouvais simplement pas comprendre qu’on puisse se tromper soi-même à ce point-là. Ce manque de compréhension m’a fait espérer que si j’agissais en tant que modèle de sincérité face à sa mauvaise foi, elle verrait son erreur. Ah! C’est comme d’offrir à un escroc l’accès de son compte en banque pour lui prouver qu’on ne va pas le voler. Et lorsqu’il a volé votre argent, être surpris qu’il n’ait pas respecté votre geste de bonne foi.