Je vais vous le dire très honnêtement, même si ça peut paraître prétentieux, mais depuis plusieurs semaines, j’ai la sensation que je peux mourir.
C’est sûr, il y a quelque chose qui meurt en nous quand on quitte les mécanismes identitaires.
Je suis allé voir un peu partout, j’ai vérifié par rapport à mes enfants, et j’ai l’impression en toute humilité que je peux lâcher toute ma vie maintenant, si c’est nécessaire. Même si je ne sais pas du tout comment je ferais si la situation se présentait.
C’est ce qu’on fait ici, mourir avant de mourir. Et quand on lâche un jour le dernier pan de son identité, on ne sait pas si on va survivre, on ne sait pas si on va mourir ou pas, je suis bien conscient de ça. La mort reste comme une option.
Être prêt à mourir est le prochain sujet dont on va parler. Dans la vidéo que je vous ai partagée, le réalisateur, lors de son étude clinique dans les hospices, a découvert beaucoup de choses que j’ignorais. Par exemple que les horloges s’arrêtent lorsque quelqu’un meurt, ou qu’on peut parfois voir de la lumière autour de la personne, ou de la fumée qui sort de son corps. Quand j’ai entendu tout ça, j’ai été très surpris
Quand ma mère est morte, j’étais avec une personne sensible à ce genre de manifestations, et on a clairement entendu un craquement dans la chambre d’hôpital, un craquement que je n’avais jamais entendu auparavant et que je n’ai jamais entendu par la suite. Et cette personne m’a dit : « Ça y est, là elle part…. ».
Ensuite il a fallu organiser la crémation, et j’avais deux options pour choisir l’entreprise des pompes funèbres. J’ai regardé l’heure, et elle correspondait exactement au numéro d’une des deux entreprises…. Et tout était comme ça, il n’y avait qu’à suivre les panneaux.
Ça s’est passé exactement de la même manière lors de la mort de ma mère, et aussi de celle de mon père. J’ai vraiment eu la sensation que tout était écrit à l’avance et qu’il fallait juste suivre les panneaux. C’est probablement toujours comme ça, mais on n’en est pas conscient la plupart du temps.
Il y avait un type complètement fou qui était persuadé que ma mère n’allait pas mourir parce qu’il devait sauver le monde avec elle. Et donc j’avais été obligé de lui interdire l’accès à l’hôpital. Plusieurs fois je suis sorti de la chambre exactement au moment où il arrivait dans le couloir, et j’ai pu l’intercepter. C’était comme ça, je ne faisais pas exprès, toutes les choses se produisaient avec des coïncidences magiques. À un moment donné, ce type arrive et il commence à raconter n’importe quoi, et là est sorti de moi un rot… vous ne pouvez pas imaginer! Et cette amie dont j’ai déjà parlé me regarde et dit : « Ah toi tu sais comment transmuter l’énergie négative ! ». Donc oui, quand quelqu’un meurt, il se passe des choses.
Et apparemment ces phénomènes sont récurrents. Les infirmiers et les infirmières les connaissent, mais souvent ils n’osent pas en parler parce qu’ils ont peur d’être pris pour des fous, et empêchés d’exercer leur profession.
J’ai entendu le témoignage d’une infirmière qui a fait une recherche, un petit protocole scientifique très intéressant autour de la mort. Elle raconte que dans son service il y avait un patient mourant, paralysé, qui ne pouvait vraiment plus rien faire. Elle a commencé à lui prodiguer des soins, et à un moment donné le moribond s’est levé de son lit et lui a dit très clairement : « Laissez-moi mourir en paix ! » et puis il est retombé sur son lit.
Même les gens paralysés peuvent pendant quelques secondes retrouver toute leur lucidité.
Oui, car il est carrément sorti de son lit alors que c’était impossible, et ces mots : « Laissez-moi mourir en paix » l’ont énormément interpelée.
C’est ça qu’il faut retenir ! Quand vous détectez les signes, laissez la personne mourir en paix et faites arrêter les appareils. Il faut surtout prévoir qu’on ne vous branche pas aux appareils. Et quand il y a des douleurs, d’après ce que j’ai compris, même la morphine à forte dose ne peut pas empêcher la personne de vivre sa mort consciemment. Je ne le savais pas, j’ai toujours cru que ça endormait les gens et qu’ils n’étaient plus conscients de rien ; mais ce n’est pas du tout le cas, malgré les fortes doses de morphine.
Et voici une autre chose importante à retenir, c’est que les oreilles fonctionnent jusqu’à la dernière seconde la plupart du temps. Donc le mourant entend tout, même s’il ne peut plus rien dire, même s’il ne peut plus bouger. Il faut vraiment faire attention à ce qu’on dit en sa présence.
Lorsque les bouddhistes accompagnent un mourant avec le Bardo, ils considèrent qu’il entend bien au-delà de la mort. Ils lui parlent lorsqu’il sort du corps, puis pendant 21 jours, pour continuer à le guider.
Quand mon père est mort, j’étais à l’étranger et j’ai dû prendre l’avion. Quand je suis arrivé, mon père était déjà décédé depuis la nuit précédente. Je suis allé le voir, il reposait dans le cercueil, je lui ai parlé et j’étais quasment sûr qu’il m’entendait ! Pour moi c’est très clair qu’il n’est pas parti tout de suite, il était content que je sois là, et totalement en paix.
Il y a eu un autre phénomène vraiment très bizarre. Temporairement, en présence de ma mère, je suis devenu mon père. J’ai tout fait avec ma mère pour organiser les funérailles. En sa présence, je suis devenu mon père, et pour elle c’était rassurant que j’agisse comme lui. Incroyable !
Ca s’est fait tout naturellement.
Mais c’est toi qui t’es mis consciemment dans les chaussons de ton père, ou ça s’est imposé à toi ?
Ça s’est imposé à moi, ça m’est tombé dessus. J’étais à la fois lui et moi, et je me sentais très extatique. C’est la première fois que j’en parle. Il y a vraiment des phénomènes étranges autour de la mort, c’est important de les explorer.
Dans un de ses livres Wolinsky parle d’un de ses élèves qui venait de mourir. Il explique qu’il était à son chevet juste après sa mort, qu’il l’a accompagné pour l’aider à se débarrasser de son identité, pour partir plus en paix, et ça a duré un certain temps avant qu’il ne parte.
Ça rejoint ce que disait le médecin Peter Fenwick. Certaines personnes partent en paix parce qu’elles ont déjà fait le travail avant, et d’autres, qui sont dans l’attachement, ont de la difficulté à partir et ont une mort difficile. Donc quand vous voyez quelqu’un en difficulté, c’est important de l’aider. Tout simplement par votre présence, éventuellement quelques mots, pour qu’il puisse lâcher. Il y a aussi le fait que certaines personnes sont apparemment capables d’obtenir un délai supplémentaire avant de mourir. Ça c’est vraiment incroyable !
Moi j’ai connu ça avec mon père. Lorsqu’il était sur le point de mourir, nous étions ses trois enfants réunis auprès de lui. Pourtant il ne lâchait pas, il avait du mal à partir. J’ai un cousin qui avait vécu un moment avec nous, bien des années auparavant, et qui était un peu le quatrième enfant de la famille. Il est allé le voir une semaine plus tard, et la nuit suivante mon père est mort. On sentait qu’il fallait qu’il vienne lui aussi pour que la famille soit complète et que mon père puisse partir !
Ça me donne plein d’outils lorsque le moment de mourir sera venu. Après la mort de ma mère, ça m’est apparu comme une évidence que lorsque je mourrai, je les reverrai, mes parents, mes ancêtres. Et la lignée, bien sûr.
Et ça serait génial qu’on fasse un arrangement entre nous ; si quelqu’un sent qu’il va mourir, qu’il nous fasse un signe !
Jean-Jacques Charbonnier, un médecin anesthésiste, a écrit plusieurs livres sur la mort, les expériences de mort imminente, et les gens qui en reviennent. En tant qu’anesthésiste, il a été bouleversé par de nombreux récits d’EMI de ses patients. Actuellement il est en train de faire des expériences, où il plonge des volontaires dans une transe hypnotique, qui permet de vivre des expériences identiques aux EMI. Il a mis au point un protocole qui semble être une sorte d’hypnose. J’ai vu les photos des gens assis dans un fauteuil confortable, visiblement guidés par le médecin, et ces personnes racontent toutes un peu la même chose : le tunnel, les proches qui les attendent…
L’infirmière anglaise dont je parlais tout à l’heure a mis au point tout un protocole ; elle a notamment placé des croix à différents endroits, au-dessus d’appareils par exemple, des signes visibles seulement d’en haut. Si certains patients reviennent après une mort clinique, elle va les interroger sur ce qu’ils ont vu durant leur voyage, dans la salle de réanimation.
J’ai vu un reportage sur un gars qui faisait des recherches concernant les sorties du corps. Lui aussi avait mis au point un protocole avec certains messages placés en hauteur au-dessus de placards. Et quand les gens réintègrent leur corps, il leur demande s’ils ont vu le message, ce qui semble totalement impossible s’il n’y a pas une vraie sortie du corps, si c’est juste un fantasme.
Les sorties du corps, ça existe vraiment.
J’ai vécu une sortie hors du corps : je devais avoir 7-8 ans et je me suis évanoui. Mes parents sont allés chercher la voisine qui était infirmière, et qui m’a fait du bouche-à-bouche. Et moi je la voyais depuis le plafond, et je me disais : « Mais elle m’embrasse ! Elle m’embrasse ! ». Et ensuite je me suis réveillé.
C’est la première fois que j’en parle !
Parfois durant les interventions chirurgicales, il y a des gens qui se réveillent parce que l’anesthésie n’a pas bien fonctionné, et ça arrive qu’ils sortent de leur corps. Ils vont jusqu’au plafond, regardent les chirurgiens, et entendent aussi tout ce qu’ils disent. Au retour ils peuvent tout décrire, c’est incroyable ! Et il y a d’autres cas où des patients se réveillent durant l’anesthésie et ont terriblement mal. Ils ressentent la douleur comme s’il n’y avait plus d’anesthésie, mais sont dans un état de tétanie, ils ne peuvent donc ni communiquer, ni bouger. Ça arrive plus souvent qu’on ne le pense.
Moi ça m’est arrivé durant l’opération des amygdales, je me suis réveillée en pleine opération, avec une douleur intense. Je ne pouvais pas bouger, pas parler, c’était horrible.
Parfois on a aussi la prémonition qu’on va mourir. Un jeune homme de 25 ans, marié, a commencé à tout organiser dans sa vie, à faire son testament, à tout mettre en ordre alors que tout allait bien. C’était quelques mois avant sa mort. Et le gars est mort d’un accident dans le cadre de son travail. Il participait à un vol d’observation, et l’avion s’est écrasé. C’était complètement hors de son contrôle, ça ne pouvait pas être de l’autosuggestion. Ce qui est intéressant avec cet exemple, c’est qu’on aurait pu croire qu’il était dépressif quand il a préparé tout ça, et que cette dépression aurait pu l’amener à la mort, mais la façon dont ça s’est passé montre que ce n’était pas le cas.
Mon père m’a dit qu’il allait encore vivre deux ans, et c’est exactement ce qui s’est passé, il est mort deux ans plus tard. Je pense qu’il y a beaucoup de personnes qui savent qu’elles vont mourir, mais elles n’en parlent pas, elles gardent ça pour elles.
Il y a aussi beaucoup de gens qui ne veulent pas se l’avouer, même s’ils captent des signes, ils ont trop peur de la mort pour valider ces informations-là.
C’est probablement pour ça qu’ils n’en parlent pas.
Il y a ceux qui n’en parlent pas parce que l’entourage n’est pas prêt à l’entendre, et d’autres parce qu’eux-mêmes ne sont pas prêts à l’entendre.
Ici ce serait bien d’en parler, si une intuition vous vient à ce propos.
Mon père est mort dans un accident de voiture, une collision avec un camion qui lui a coupé la route. Quelques mois avant, mon père avait refait sa maison, tout rangé, avait repris contact avec beaucoup de personnes, organisé de revoir des gens pour clarifier des relations, et trois mois plus tard il est mort.
Et Yves Garel aussi a fait son tour avec sa Mini Cooper, il a revu tous les gens qui étaient importants pour lui dans toute la France. Il m’a dit : « C’est la dernière fois qu’on se rencontre ». Il savait qu’il allait mourir, il avait un cancer.
C’est exactement le travail que nous faisons ici, mourir avant de mourir. Le travail sur la croyance de base, les attachements, les mécanismes identitaires, c’est pour mourir à soi-même, c’est le même processus.
Oui, ce qui m’a frappé, dans les cas de personnes en train de mourir, c’est la dissolution de l’identité. Ça m’a vraiment fait penser à notre travail ici.
J’ai entendu le témoignage d’une femme qui, depuis qu’elle était revenue à la vie après son EMI, avait radicalement changé, même au niveau de son caractère.
Oui, suite aux EMI, la plupart des personnes vivent ce changement radical.
Ce qui se passe durant l’EMI est une sorte de shaktipat, un immense shaktipat.
J’ai entendu une femme qui a vécu une EMI il y a longtemps et ce qui l’avait marqué c’était évidemment le tunnel, les êtres de lumière, mais aussi le fait qu’elle ait entendu la question « Comment as-tu aimé ? ». Après son retour, répondre à cette question est devenu sa raison de vivre.
Et apparemment à un certain point d’une EMI, il y a parfois la possibilité de vraiment mourir ou de revenir.
Et parfois la personne est renvoyée sans avoir le choix.
Ceux qui en ont fait l’expérience témoignent aussi que lors de la sortie du corps, leurs problèmes, leur profession, et même tout ce qui touche à leur famille, tout ça disparaît dans un claquement de doigt, ça n’existe plus. Mais lorsque se présente le choix de revenir, c’est souvent par rapport à quelque chose qui n’a pas été accompli, probablement par rapport à la valeur de base.
Et ce qui est incroyable c’est que souvent, ce sont des malades incurables, et qu’ils reviennent guéris.
Je le vois comme une deuxième chance !
Pour finir les choses, pour faire son « si-do ».
La mort c’est aussi le « si-do » d’une vie… Ce que je retiens essentiellement, lorsqu’on va mourir, c’est de tout lâcher. Et même tout le fonctionnel, tout ce qu’on laisse derrière…
Il y a beaucoup de choses qu’on peut faire avant.
Oui, on a déjà parlé de tout ce qui est prévoyance. Et il faut de temps en temps vérifier les documents, parce que les choses évoluent dans la vie.
Donc tout lâcher… Et pour moi ce « tout lâcher » est équivalent à ce que je nomme la détente existentielle. Tout lâcher, on peut le faire tout au long de la journée, régulièrement, lorsqu’il y a une pause. Physiquement, mentalement, émotionnellement, aller dans le vide, et tout lâcher. Je peux avoir été très actif juste avant, par exemple pour répondre aux mails, ou préparer le repas, mais lorsque je lâche tout, que je suis dans la détente existentielle, il y a uniquement l’ici et maintenant. C’est ce qui nous attend quand on va mourir, la mort se passe dans le présent.
Donc on peut vraiment se préparer comme ça. Tout lâcher, mais vraiment tout, ça signifie les attachements, ne plus penser à rien, comme si on mourrait. Et petit à petit, c’est ce relâchement qui devient la base de son existence. C’est le même relâchement qui survient lorsqu’on s’endort, et qui, progressivement, peut devenir permanent. De temps en temps, on en sort pour agir au niveau fonctionnel, et ensuite on revient à la détente existentielle.
Aller vers la mort, c’est comme partir en voyage. Les semaines précédentes, il y a des choses à organiser, il faut préparer le voyage, on est dans l’action. Une fois que tout est prêt, on va à l’aéroport…
Et là tu mets ton destin entre les mains du pilote! 🙂
… on s’assied dans l’avion, et là on lâche tout.
Quand je me relâche, notamment avant de m’endormir, et que je suis vraiment dans cette détente existentielle, je vois jaillir la valeur de base.
Oui, ressentir la valeur de base, en conscience corporelle, ça en fait partie. Et on peut rajouter un sentiment de satisfaction, de plénitude et de gratitude.
J’adore ce moment de dissolution, juste avant le sommeil. Mais je n’arrive pas à retrouver cette qualité-là durant la journée, parce qu’il y a toujours en arrière-plan une sorte de tension, des choses à faire…
Mais ça s’apprend ! Tu peux par exemple te préparer chez toi un coin où tu vas régulièrement durant cinq minutes, et où tu lâches tout. Ça peut même se faire sur les toilettes.
Et petit à petit, quand on le fait régulièrement, on reste dans la détente existentielle. Il faut être à l’écoute de soi pour savoir à quel moment c’est nécessaire de prendre quelques minutes. Moi habituellement je me promène, ou je vais me mettre dehors au soleil, ou je me mets dans mon lit, et je lâche tout. À un moment donné je re-émerge, et les choses à faire m’apparaissent, alors je me lève et je fais ce qui m’est venu. Et peut-être qu’un jour il n’y aura plus rien qui me vient. Chaque fois qu’on lâche tout, c’est une petite mort.